Irrésistible Nuit des Rois:
du rythme, des chants, du rire
le théâtre élisabéthain en Commedia.
La preuve du pudding, disent les Anglais, c'est de le manger. Et cette Nuit des Rois à l'italienne est des plus gouleyantes. C'est un vrai feu d'artifice d'effets et de surprises, sans que l'on tombe jamais dans la vulgarité ou le tapage gratuit.
(Philip Tirard - La Libre Belgique)
De l'impro, chez Shakespeare?
Nous savons que Shakespeare à bien dû fixer son texte pour l’édition de la pièce, mais, à la relecture, on se rend vite compte qu’en dehors des scènes principales, les comédiens avaient la possibilité d’improviser, de jouer avec les spectateurs, de changer certaines répliques. C’est certainement le cas pour la plupart des scènes qui concernent les personnages populaires. Lorsqu’on a un peu l’habitude de travailler à partir de canevas ainsi qu’avec la technique d’improvisation propre à la Commedia, on voit très clairement que certaines scènes ne peuvent pas bouger et ne devaient certainement pas bouger à l’époque de Shakespeare. Par contre, d’autres scènes (comme par exemple la préparation de la lettre par Maria et les deux Sirs afin de ridiculiser Malvolio) sont, plus que vraisemblablement, des scènes semi-improvisées et elles se repèrent de manière très nette dans l’écriture de Shakespeare. Il est important de rappeler que ces improvisations sont tout à fait structurées puisqu’elles sont basées sur des règles très strictes, liées aux statuts sociaux des personnages mais également à des règles scéniques d’entrées, de sorties, de « mots-clefs » et de techniques théâtrales qui appartiennent à la Commedia dell’Arte. On apprend le respect de l’autre sur le plateau. En Commedia, si on se met à improviser chacun pour soi, le spectacle s‘écroule. Le travail de groupe est primordial.
Actualisation …
L’improvisation permet également de refléter l’esprit du public pendant la représentation, public représenté par toutes les classes sociales et culturelles confondues étant donné que nous jouons dans la rue, sur les places publiques, dans les festivals, à l’étranger et dans des salles où le prix des entrées est toujours accessibles.
Les scènes de « jeu pur » (par opposition aux scènes « d’information »), seront donc écrites de manière à ce que les comédiens puissent continuer à improviser au cours des représentations. Les scènes poétiques et informatives seront, quant à elles, fixées par l’auteur.
Ces plages d’improvisation sont repérables notamment par les jeux de mots divers utilisés par les personnages (jeux de mots avec lesquels les comédiens devaient s’amuser et donc certainement changer d’un jour à l’autre en fonction des spectateurs), mais également par les allusions faites à l’actualité et à la politique de l’époque. Il est évident par exemple que l’intendant Malvolio, à qui un piège sera tendu par Maria, Feste et Toby, incarne à merveille le puritanisme exacerbé de l’époque et, par extension, la censure. On sait d’ailleurs au regard de l’Histoire, que les puritains, parvenus au pouvoir, se vengeront de ces dramaturges qui les singeaient en fermant les théâtres dès 1642 par décision du Parlement.
Il est évident que ces allusions devaient également évoluer et être réactualisées chaque jour, à l’époque de Shakespeare, pour le plus grand plaisir des spectateurs qui retrouvaient ce système de parabole de la société par le rire.
Malheureusement, l’actualité de l’époque shakespearienne ne nous parle plus du tout aujourd’hui, il est donc nécessaire de retrouver des équivalences contemporaines tout en gardant la force du langage de Shakespeare.
Cependant, nous nous devons de rester prudent quant à ce type de démarche. La démocratie doit préexister et surtout sur un plateau de théâtre. Il est donc bien évident que lorsque nous nous renseignons sur l’actualité locale ou régionale de l’endroit où nous sommes, nous ne nous permettrons jamais de rentrer dans la vie privée des gens, dans la dénonciation politique ou autre. Non, ce que nous prendrons comme information servira seulement à indiquer, il ne s'agit jamais de dénoncer mais de provoquer ou de construire une parabole par rapport à notre histoire.
La Nuit des rois, adaptée avec des techniques de Commedia, permet de rester dans l’intrigue tout en sortant du sujet principal à certains moments afin d’introduire «cette actualité locale découverte au jour le jour ». Mais le spectacle et la représentation ne deviendront jamais pour autant une tribune politique. Il y a spectacle pour amuser et divertir avant tout. Dans cela se glissent de manière subversive certains éléments contemporains.
Certains passages nous permettront donc de changer les choses en fonction de l’actualité du lieu dans lequel nous nous trouvons mais également en fonction des mœurs de l’endroit où nous nous trouvons.
La pièce garde donc cette structure ouverte et la souplesse d’un « work in progress », toujours perfectible.
Et si nous pouvons nous le permettre, c’est bel et bien parce que les personnages de La Nuit des rois correspondent tous aux archétypes fondamentaux de la Commedia et donc à ceux de notre société.