Il était une fois Marianne, une jeune fille
qui rêvait d'une autre vie…
"Rien ne donne autant le sentiment de l'infini que la bêtise"
Des gens simples qui rêvent, qui s'aiment, qui souffrent, qui se trahissent …
La vie, tout simplement
1901
Le 9 décembre, le même mois que Walt Disney et Marlène Dietrich, naît Edmond (Ödön) Joseph von Horvàth à Susak, dans la banlieue de Fiume (aujourd'hui : Rijeka), sur les bords de la mer Adriatique. Son père, Edmond Joseph von Horvàth (1874-1950) est attaché au consulat impérial et royal d'Autriche-Hongrie ; sa mère Marie Hermine née Prehnal (1882-1959) vient d'une famille de médecins militaires austro-hongroise.
«Je suis un mélange typique de cette vieille Autriche-Hongrie : hongrois, croate, tchèque, allemand - il n'y a que la composante sémite qui me fasse hélas, défaut.»
1902-1913
En été 1902, la famille von Horvàth s'installe à Belgrade où le 11 juin 1903, le roi de Serbie, Alexandre Ier, et son épouse Draga sont assassinés. Le 6 juillet, naît Lajos von Horvàth, à Belgrade.
Famille von Horvath - 1907
En 1908, la famille von Horvàth s'installe à Budapest.
Premier enseignement en hongrois, par des précepteurs. Quand en 1909 Edmond von Horvàth est nommé au consulat austro-hongrois à Munich, Ödön seul reste à Budapest comme interne du Rakoczianum (l'école de l'archevêché) où il reçoit une éducation religieuse très poussée.
Les affrontements avec la Turquie conduisent à la Première et à la Seconde Guerre des Balkans, entre 1912 et 1913: La Bulgarie fait la guerre à la Serbie et à la Grèce, la Roumanie et la Turquie à la Bulgarie. Août 1913 : la paix de Bucarest.
En décembre 1913, Ödön réintègre sa famille à Munich et fréquente le Kaiser-Wilhelm-Gymnasium; les mauvais résultats et les conflits avec son professeur de religion le contraignent à changer de lycée, et à redoubler.
«Pendant ma scolarité, j'ai changé quatre fois de langue d'enseignement, et à presque chaque classe j'ai changé de ville. Le résultat en était que je ne maîtrisais aucune langue parfaitement. Quand je suis venu en Allemagne pour la première fois, je ne pouvais pas lire les journaux, ne connaissant pas les lettres gothiques, bien que ma langue maternelle fût l'allemand. A quatorze ans seulement j'écrivis ma première phrase en allemand.»
1914
L'archiduc François-Ferdinand, prince héritier de la monarchie austro-hongroise, et son épouse, Sophie von Hohenberg, sont assassinés à Sarajevo ; la Première Guerre mondiale commence. Edmond von Horvâth est appelé sous les drapeaux.
«Quand la dite Première Guerre mondiale commença, j'avais treize ans. Je ne me souviens de l'époque d'avant 1914 que comme d'un livre d'images ennuyeux. J'ai oublié toute mon enfance pendant la guerre. Ma vie commence avec la déclaration de guerre.»
1915-1918
Edmond von Horvâth est rappelé du front, et renommé à Munich. En 1916, envoi d'Ôdôn von Horvâth à Presbourg (aujourd'hui Bratislava), sorte de grande banlieue de Vienne, seul lycée de langue allemande où il puisse encore s'inscrire : il est trop mauvais élève; c'est un cancre, qui devient rapidement la terreur des professeurs. Peu avant la fin de la guerre, Edmond von Horvâth est nommé de nouveau à Budapest, où toute la famille se retrouve. Ôdôn se lie avec un cercle de jeunes gens qui dévorent les œuvres nationalistes et révolutionnaires d'Endre Ady, et se passionne pour les conflits politiques qui font rage à Budapest.
Le 28 octobre 1918 : dissolution de l'Autriche-Hongrie.
7-8 novembre : révolution à Munich, proclamation de l'Etat libre de Bavière.
16 novembre : proclamation de la République populaire de Hongrie avec, à sa tête, le comte Kârolyi.
«Nous qui à cette grande époque étions adolescents, nous étions peu aimés. L'opinion publique déduisait du fait que nos pères mouraient au front ou tiraient au flanc, qu'ils se faisaient déchiqueter et estropier ou se transformaient en usuriers, que nous autres mal-léchés de la guerre tournerions forcément mal. Nous aurions tous dû désespérer si nous ne nous étions pas fichu de notre puberté en temps de guerre. Nous étions rustres, ne ressentions ni pitié ni respect. Nous n'avions la tête ni aux musées ni à l'immortalité de l'âme. Et quand les adultes se sont effondrés, nous sommes restés intacts. En nous, rien ne s'est effondré, car nous n'avions rien. Jusque-là, nous avions simplement enregistré et pris note.»
Le 11 novembre, les Alliés concluent l'armistice.
1919
Mars-août : dictature des Soviets, sous Bêla Kun, en Hongrie. La famille von Horvàth cherche refuge, pour un temps, à Vienne, puis en Bavière. Ödön habite chez un oncle à Vienne, fréquente un lycée privé et passe son baccalauréat.
En août, Nicolas von Horthy remplace Bêla Kun. Edmond von Horvàth devient représentant du gouvernement hongrois dans les länder du sud de l'Allemagne.
Ödön s'inscrit à l'université de Munich où il suivra pendant cinq semestres (jusqu'en 1922) des cours de psychologie, de littérature allemande, d'esthétique et d'études théâtrales (avec Artur Kutscher), de sociologie (La Lutte contre la prostitution), et de métaphysique… En septembre, Adolf Hitler devient membre du DAP (Deutsche Arbeiterpartei). Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht, les leaders spartakistes, sont assassinés à Berlin.
1920
En février, le DAP proclame à Munich le programme du parti et s'appelle dorénavant NSDAP. Le putsch de Kapp, à Berlin, échoue. Ödön rencontre à Munich le compositeur Siegfried Kallenberg qui lui commande une pantomime. Le Livre des danses.
«A cette époque je fréquentais l'université et m'intéressais, comme on dit, à l'art. Sans avoir toutefois aucune activité personnelle dans ce domaine… sauf peut-être m'être dit qu'au fond, je pourrais devenir écrivain. Puisque j'aimais aller au théâtre, que j'avais vécu pas mal de choses, que j'adorais répliquer à propos de tout et de rien, et que parfois je ressentais en moi cette nécessité d'écrire… et je savais que je ne ferais jamais de concessions, qu'au fond je me fichais éperdument de ce que les gens diraient de moi…»
Les parents d'Ödön font construire dans la petite ville de Murnau, au pied des Alpes bavaroises, une résidence secondaire. Lieu de villégiature secrètement à la mode, près d'un beau lac, point de départ de grandes randonnées dans les montagnes, passion d'Ödön.
1921-1922
Les réparations dues par l'Allemagne, d'un montant de 132 milliards de marks-or, créent l'inflation. Hitler devient premier président du NSDAP. Des extrémistes de droite assassinent l'ancien ministre des Finances, Erzberger. Un an après, le ministre des Affaires étrangères, Rathenau est assassiné à son tour. L'inflation s'emballe: le 2 août 1922 le cours du dollar grimpe à 860 marks, fin août à 1990 marks. L'argent est transporté dans des sacs et des valises. Le chômage augmente très rapidement.
Le Livre des danses paraît en édition bibliophile à Munich et est créé en cantate à la Steinicke-Saal; accueil mitigé qu'une nouvelle production à Osnabrûck, en 1926, ne démentira pas. Ödön rachète autant d'exemplaires du livre qu'il peut, et les détruit.
1923
Ödön quitte Munich pour Murnau ; intense activité d'écriture dont il reste peu de choses: le fragment Dosa, la pièce Meurtre dans la rue des Maures, des esquisses de nouvelles, et les Contes sportifs, publiés dès 1924 dans divers journaux et revues, recueil de vingt-sept courts textes au total.
En janvier, premier congrès du parti national-socialiste à Munich.
En novembre, une tentative de putsch de Hitler échoue, le NSDAP et le KPD (parti communiste) sont interdits. Le 12 septembre, un dollar vaut 100 millions de marks, et en novembre, à son maximum, 4,2 milliards de marks-papier.
Le 15 novembre, la réforme monétaire (création du Rentenmark: 1 Rentenmark = 1000 millions de Ketchsmarks) met fin à l'époque inflationniste.
En automne, Ödön séjourne avec son frère Lajos plusieurs semaines à Paris. Il passe la fin de l'année à Berlin, où il décidera de s'installer.
«A la campagne, il y a le danger de se laisser aller au romantisme. La «nouvelle illusion», comme on dit. Sans vouloir entamer le débat sur l'absolue nécessité de la rêverie, le rêve étant aussi nécessaire que la réalité… On a fini par admettre que les aspects matériels sont indispensables. Berlin, seule de toutes les villes allemandes les offre à un jeune écrivain. Berlin qui aime la jeunesse, et qui fait quelque chose pour elle, au contraire de la plupart des autres villes allemandes qui ne connaissent que des amours platoniques. Moi, j'aime Berlin.»
1924-1928
26 mars-1er avril : procès contre Hitler à Munich. Condamné à cinq ans, il purge sa peine à la forteresse de Landberg/Lech où il écrira Mein Kampf.
A Berlin, Odon fera la connaissance, au cours des années, de Gustaf Grundgens, Walter Mehring, Francesco von Mendeissohn (qui créera Nuit italienne et Casimir et Caroline), Ernst Joseph Aufricht (producteur de L’Opéra de quatre sous de Brecht, et des deux spectacles précités dans son Theater am Schiffbauerdamm), écrit de courtes proses, esquisse des pièces, achève plusieurs versions de son «théâtre populaire»: en 1926-1927 Révolte à la cote 3018 créé à Hambourg le 4 novembre 1927, devient à la Volksbühne de Berlin, en 1929, le Funiculaire; Sladek ou l'armée noire se transforme en Sladek, soldat de l'armée noire, créé le 13 octobre 1929 au Lessing-Theater à Berlin. L'idée de Sladek découle du dépouillement des dossiers sur les assassinats de l'extrême droite qu'a entrepris Odon pour le compte de la Ligue allemande pour les droits de l'homme, à Berlin, qui publie un Livre blanc sur la justice politique.
Pendant ses nombreux séjours à Murnau, Ödön s'inspire de la pension Seeblick pour écrire sa comédie Le Belvédère, qui paraît en 1927. En 1928 il écrit la farce Le Congrès sur la prostitution et la traite des blanches, et le récit Trente-six heures, qui constituera la base de son roman L'Eternel Petit-Bourgeois, 1930.
1929
Au 1er janvier, on dénombre 2,9 millions de chômeurs en Allemagne. La maison d'édition Ullstein prend von Horvâth sous contrat, moyennant 300 marks versés chaque mois à l’auteur, 500 à partir de 1931; en contrepartie, von Horvâth cède l’ensemble de son œuvre à Ullstein-Verlag, et les droits de représentation à Arcadia, son département de théâtre.
Ödön se rend en Espagne, et visite l'Exposition universelle à Barcelone.
Crise économique mondiale déclenchée par le krach du 25 octobre à New York.
Ödön écrit plusieurs textes en prose qui entreront, modifiés, dans L'Eternel Petit-Bourgeois.
Lors de la création de Sladek, soldat de l'armée noire, les national-socialistes s'élèvent violemment contre la pièce.
«Continuez, continuez donc, messieurs dames de l'avant-garde communiste, et bientôt vous verrez vos rangs - comme c'est dommage ! - décimés… Un poète aurait pu tout de même tourner un tel personnage en figure tragique. Mais le ci-devant baron hongrois Ödön von Horvàth, fleuron maintenant du camp communiste allemand, ne sait que le tourner en ridicule, un minus, un discoureur filandreux qui n a pas une seule goutte de sang dans les veines…»
(Berliner Abendblatt, 14 octobre 1929.)
1930-1933
Au 1er janvier 1930, on dénombre 3,2 millions de chômeurs.
Le 14 septembre 1930, le NSDAP obtient 107 sièges aux élections législatives et devient le deuxième parti, après le SPD (parti social-démocrate). Le 1er janvier 1931, le chômage atteint 4,9 millions de travailleurs.
Ecrit en 1930, puisant dans les expériences d'une petite ville allemande - Mumau -, Nuit italienne est créé le 20 mars 1931 à Berlin, et en juillet à Vienne. Cette pièce met aux prises la droite et la gauche. Fort de son succès, Ödön achève Légendes de la forêt viennoise qui triomphera le 2 novembre 1931 à Berlin, après avoir valu à son auteur le prix Kleist, la plus haute distinction de l'époque.
En 1932 Ödön rencontre le journaliste judiciaire Lukas Kristl qui lui inspire le sujet de la Foi, l'amour, l'espérance, pièce qu il réunit, en un volume de "Théâtre populaire", avec Casimir et Caroline, écrit en 1931 et créé le 18 novembre.
Casimir et Caroline - 1932
Le 1er janvier 1932 on dénombre 6,2 millions de chômeurs.
Hitler est nommé conseiller gouvernemental et obtient ainsi la nationalité allemande qui lui permet de se porter candidat à la chancellerie du Reich.
Des lectures publiques et un important entretien radiophonique à la Bayerische Rundfunk assoient la popularité de von Horvâth. Ullstein-Verlag se sépare à l'amiable de von Horvâth en novembre.
Le 31 juillet, le NSDAP remporte les élections législatives et devient le parti le plus important. La situation politique se radicalise et aboutit à des confrontations violentes, on frise la guerre civile juste avant les élections (NSDAP : 37,4 %, SPD : 21,6 %, KPD : 14,6 %).
Le 30 janvier 1933, Hitler devient chancelier du Reich, en février le Reichstag à Berlin est incendié, en mars est créé un ministère de l'Education populaire et de la Propagande, dont Joseph Goebbels a la charge, un mois plus tard naît la Gestapo, la police secrète d'Etat. Lorsque le 10 mai on brûle les livres sur les places publiques, ceux d' Ödön von Horvâth en sont.
«L'information disant que tu n'es plus joué là-bas, «auteur dégénéré», vaut plus que n'importe quel prix littéraire… elle te confirme publiquement comme poète!»
(Franz Theodor Csokor, lettre du 12/8/1933.)
Le Deutsche Theater de Berlin se voit contraint de renoncer à la création de La Foi, l'amour, l'espérance, tout comme d'autres théâtres en Allemagne annuleront leurs projets horvàthiens. Ödön quitte l'Allemagne pour Vienne, rentre à Budapest pour renouveler son passeport hongrois; il écrit Allers et retours, l'Inconnue de la Seine, Vers les deux.
Le 27 juin, les partis allemands sont contraints de «se dissoudre volontairement». En septembre, le chancelier autrichien Dollfuss met fin à la constitution parlementaire, créant ainsi l'«austro-fascisme». En décembre, Ödön épouse la cantatrice Maria Eisner, dont il divorcera dès 1934.
«Qu'est-ce que les femmes peuvent bien me trouver? Me demanda-t-il. Suis-je donc à ce point démoniaque ? Ça semblait le gêner… Comme ses personnages, il vivait dans un monde intérieur, à lui, qui le séparait des autres, et l'enfermait. Pourtant, tous ceux qui l'ont rencontré, l'aimaient. La plupart des femmes étaient fascinées par lui. Mais elles venaient, passaient… et lui restait seul.»
(Hertha Pauli.)
1934-1936
En janvier, Ôdôn intente un procès au 12-Uhr-Blatt, feuille fasciste de Vienne, pour «atteinte à l'honneur». En février, un soulèvement socialiste est écrasé à Vienne. Les projets de création de pièces de von Horvàth à Vienne sont abandonnés. Ôdôn retourne à Berlin afin de recueillir du matériau pour une pièce sur le national-socialisme; il y écrit des dialogues pour le cinéma qu'il désavouera par la suite comme travail purement alimentaire. En juillet, il adhère à la Fédération des écrivains allemands.
«Tu n'as pas idée des difficultés pour tourner ici, la censure et ainsi de suite… de sorte que les gens ont la tête constamment pleine de soucis. Quant à mes autres films, tout va de travers. Il (Goebbels) a interdit le Baiser au Parlement, il n'y a donc plus rien à en espérer en Allemagne, peut-être que la Fox américaine le reprendra, mais c'est très peu probable !!! Je ne sais pas encore si je vais faire Kean. Il ne devrait sortir que début avril, j'ai donc encore le temps. En ce moment je suis sur Une pinte de bonheur (de Nestroy), tout le reste est en suspens.»
Le 25 juillet, le chancelier autrichien Dollfuss est assassiné lors d'une tentative de putsch national-socialiste. Schuschnigg lui succède, et poursuit sa politique.
Après la mort de Hindenburg, la Reichswehr prête serment a Hitler. Allers et retours est créé en décembre à Zurich. Ôdôn envisage de s'installer à Zurich, mais revient à Berlin. Les national-socialistes lui vouent toujours une franche hostilité. Le service militaire obligatoire est rétabli en Allemagne en 1935, en Autriche en 1936. A partir de septembre 1935, Ôdôn se trouve à Vienne, travaillant à divers projets sur le thème de la fuite hors du présent.
Il écrit, sur commande, Coup de tête, créé le 10 décembre 1935 à Vienne.
«A Vienne, c'était très dur. On avait peu d'argent. Par moments nous avons mis au mont-de-piété tout ce que nous possédions. Horvâth a essayé de tirer quelque chose de ses éditeurs, et il a réussi à obtenir une avance pour une nouvelle pièce. Nous sommes partis dans le but de l'écrire, pour la Riviera… Mais à San Remo, le climat n'était pas propice à l'écriture. Horvâth était un peu troublé par tout ce qu'il avait écrit pour le cinéma, à Berlin; le sujet de la pièce, et l'avance l'ont achevé. Sans grand résultat, nous sommes rentrés. Notre situation financière était alors complètement perturbée. Et contrairement à sa nature, il a accouché de cette pièce par force, et non dans la joie.»
(Vera Liessem, actrice, amie de von Horvâth depuis son retour à Berlin.)
L'Allemagne et l'Autriche rétablissent de bons rapports en juillet 1936. Lorsqu'Ödön rend visite à ses parents, à l'automne, on lui retire son permis de séjour et il doit quitter le sol allemand dans les vingt-quatre heures. Il sera exclu de la Fédération des écrivains allemands en février 1937.
1936
Reprenant d'anciens projets, Ôdôn achève coup sur coup Figaro divorce et Don Juan revient de guerre, ainsi que le Jugement dernier.
En novembre, le Theater fur 49 crée à Vienne La Foi, l'amour, l'espérance.
1937-1938
Nouvelles tensions entre l'Allemagne et l'Autriche.
Ödön écrit les comédies "historiques" Un village sans hommes et Un bal d'esclaves, comédie d'un tremblement de terre, intitulée Pompéi dans une seconde version.
Figaro divorce est créé en avril, amputé des passages sur l'exil, et Un village sans hommes en septembre, dans le Neue Deutsche Theater, à Prague.
En automne, l'éditeur des auteurs allemands en exil, Allert De Lange publie à Amsterdam son roman Jeunesse sans Dieu qui remporte un important succès, et qui sera rapidement traduit en plusieurs langues. Ôdôn commence un nouveau roman, Un fils de notre temps qui sera également publié par De Lange.
A Vienne on crée en décembre Vers les cieux, un conte de fées.
«Je considère la forme du conte de fées, mélangée à la farce, comme particulièrement indiquée, par les temps qui courent, puisqu'à travers cette forme, on peut dire beaucoup de choses qu'autrement, il serait impossible de dire.»
Le Jugement dernier est créé par le Deutsche Theater de Moravie-Ostrau.
Ödön récuse la presque totalité de son œuvre passée et se propose d'écrire une "Comédie humaine", comprenant notamment sa dernière pièce, Pompéi. Très déprimé, mécontent de son travail, harassé par des soucis matériels, Odôn ne parvient pas à faire aboutir ses projets, comme par exemple son roman Adieu l'Europe ! Dont il n'écrira que quelques pages, avec d'innombrables variantes…
En janvier 1938, Jeunesse sans Dieu est mis à l'index par la Gestapo, et sera saisi en Allemagne.
Face à l'ultimatum d'Hitler d'annuler le référendum sur l'autodétermination en Autriche, Schuschnigg démissionne, et le lendemain, le 12 mars 1938, les troupes d'Hitler entrent en Autriche; le 14, l'AnschIuß, l'annexion, est proclamé. Le 15, Hitler se fait ovationner sur la Heldenpiatz à Vienne.
Le lendemain, comme beaucoup de ses amis durant les mois écoulés, Odôn fuit l'Autriche, lieu de sa première émigration, pour se rendre à Budapest, puis chez des amis enTchécoslovaquie.
«Je n'ai rien, sauf ce que j'ai sur le dos, et la valise avec une vieille machine à écrire portative.
Je suis écrivain.
J'étais jadis un bel espoir, et je ne suis pas encore vieux.
Mais entre-temps, beaucoup de choses ont changé.
Nous vivons des temps rapides…»
Début mai, passant par la Hongrie, Trieste, Venise, Milan, il arrive à Zurich. D'où il part pour Amsterdam afin de négocier un nouveau contrat avec De Lange. Il ne sait pas s'il doit s'installer en Suisse ou s'exiler aux Etats-Unis, se rend à Paris où, selon un voyant, aura lieu l'événement décisif de sa vie… Il y a rendez-vous avec Robert Siodmak pour envisager l'adaptation cinématographique, à Hollywood, de son roman Jeunesse sans Dieu, rencontre des amis d'infortune, se convainc de partir rapidement pour l'Amérique. Le 1er juin, son dernier jour à Paris, il rencontre à nouveau Siodmak, va voir Blanche-Neige de Walt Disney aux Champs-Elysées, retourne à pied à son hôtel, l'Univers, rue Monsieur-le-Prince… lorsqu'une tempête casse branches et arbres morts en fin d'après-midi, ensevelissant Odôn et quelques autres personnes : tous en sortent indemnes, seul Odôn a le crâne fracassé et meurt, face au théâtre Marigny.
«Odön von Horváth, repères»
Heinz Schwarzinger
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