«Ah tu viens des cantons rédimés, de chez les ... »
Un spectacle indispensable - La Libre Belgique

L’acteur Serge Demoulin rend hommage à sa région, ses racines. Avec délicatesse, humour et détermination, il dévoile un pan occulté de notre histoire : l’annexion des Cantons de l’Est par l’Allemagne nazie en 1940 et le silence de l’État belge.


Un jour, il se fait traiter de Boche. « Ah tu viens des cantons rédimés, de chez les … » Il ne sait pas quoi dire. Il sort à peine de l’adolescence. Il est belge, oui. Mais son grand-père et ses deux oncles ont été enrôlés de force dans la Wehrmacht. Le plus jeune allait avoir vingt ans. Comment meurt-on sous cet uniforme-là?
Dans le village où il est né, on ne parle pas de tout ça. On rit en wallon, on chante en wallon, on rêve en wallon. Mais parfois, sur les chemins de fête, l’alcool fracasse les
digues, les corps tremblent d’une tristesse inexplicable…
Dans le spectacle, le Carnaval agit comme un contrepoint léger au thème dur et grave de la nazification de la région, mais aussi comme un catalyseur. Le personnage central, un certain Serge Demoulin, y porte à un moment donné l’uniforme de la Wehrmacht comme déguisement. Ce qui provoque une espèce de catastrophe collective et intime. On n’aborde pas l’histoire de façon didactique mais comme une émotion qui fait problème.


CREATEURS
AuteurSerge Demoulin 
Mise en scèneMichaël Delaunoy 
Assitanat mise en scèneLaurence Adam 
LumièreLaurent Kaye 
Décor sonoreMuriel Legrand 
Prise de son & mixageLorenzo Chiandotto 
AVEC
ActeurSerge Demoulin 
Une production du Rideau de Bruxelles

Ce monologue habité revient sur un sujet historique méconnu, l'annexion des Cantons de l'Est par l'Allemagne nazie en 1940. Sur scène, avec une émotion palpable mais maîtrisée, Serge Demoulin, Prix de la critique du meilleur comédien 2009 (Hamelin, Dom Juan), joue son propre rôle et retourne une vingtaine d'années en arrière. L'époque où, dans un bar, alors qu'il précise d'où il vient, on le traite de Boche. Incapable de réagir sur le moment, il reste avec des questions plein la tête. […]Dans Le carnaval des ombres, Serge Demoulin creuse ces questions. Y apporte des réponses, issues de lectures et de rencontres […] sans pour autant se faire polémiste. Son texte est un hommage, une réhabilitation, jamais une provocation. […] Grimé sans raffinement, vêtu d'une trop courte veste rouge estampillée Royale Printen (le nom de la fanfare dans laquelle le comédien joue... pour de vrai), Serge Demoulin y est presque méconnaissable, jouant de tout son corps, suant son maquillage blanc. Grand.

Le Soir - 13/03/2012 - Adrienne Nizet

On connait Serge Demoulin comme acteur, excellent ; on le découvre ici auteur, avec ce premier texte publié.
Ce monologue à la première personne est un peu comme un voyage dans le temps, la mémoire, l’espace. […]C’est un chemin buissonnier, fait de rappels historiques, très documentés, d’anecdotes familiales, souvent savoureuses, de réflexions, de souvenirs.
Dans la seconde partie, il nous plonge au cœur du Carnaval, spécialité de Malmedy : sa gaité factice, ses déguisements… et sous les masques, les langues se délient, les esprits s’égarent, et on a même rendez-vous avec les morts…
[…] Par sa mise en scène, Michael Delaunoy fait confiance à Serge Demoulin. Le comédien s’empare du plateau, l’habite par sa présence puissante. Il joue en virtuose les métamorphoses, incarne une multitude de personnages, et nous tient en haleine jusqu’au bout de sa quête.

Musiq3/RTBF - 16/03/2012 - Dominique Mussche

Le carnaval des ombres dévoile l’histoire cachée des ex-cantons de l’Est .[…] Le premier intérêt du spectacle, mis en scène par Michael Delaunoy, est de mettre au jour, de clamer, un épisode caché de l’histoire de Belgique. […]
Et à ce fond historique, la pièce ajoute sa quête personnelle, son errance psychanalytique vers la vérité. […]
Pour que la vérité sorte, pour que les secrets de famille puissent être dits, il faut passer par le carnaval, le grotesque, le wallon, la mascarade.[…]
Et là, quand l’alcool coule, qu’on peut avancer masqué sous les tambours, la parole se libère. Serge Demoulin s’est emparé de cette forte histoire, la sienne, pour en faire un spectacle indispensable. Certes, on peut s’irriter au début du côté parfois excessif de la farce et du jeu, mais c’est la pudeur de ses sentiments qui le veut. Et cela permet de plus à l’acteur de se livrer à un onemanshow impressionnant d’une heure trente qui le laisse, à nu, devant nous, la pure émotion.

La Libre Belgique - 15/03/2012 - Guy Duplat

[…]Auteur de cette pièce virevoltante qui ne laisse au public aucun instant pour s'ennuyer, Serge Demoulin y tient son propre rôle ainsi que la vedette, faisant le pitre pour exorciser les démons qui hantent le village de son enfance.
Sous couvert d'un carnaval dont les excès alcoolisés excusent décidément bien des insolences, Serge raconte l'Histoire que taisent manuels scolaires, mandataires politiques, voisins et amis d'enfance. Cette histoire, c'est aussi celle du jeune adulte qu'il a été, quand exilé à Bruxelles pour y suivre les cours du conservatoire, il s'interrogeait non sans raison sur le rôle joué par les siens pendant la Seconde Guerre mondiale. […]Délicate, c'est une des questions que pose la première pièce de Serge Demoulin, écrite avec un mélange d'humour et de pudeur, mais sans complaisance aucune.

www.cclj.be - 15/03/2012 - Yael Berger

Incroyable, c’est le mot. Serge Demoulin fut tout simplement incroyable.
[…] Au point que Le carnaval des ombres (qui pourrait en rebuter plus d’un en raison de sa thématique historique et belliqueuse) nous explose à la figure avec tant de spontanéité et de tripes qu’on en reste tout simplement abasourdi. Et qu’on se le dise, Serge Demoulin, seul en scène, ne fait pas les choses à moitié.
Un texte éclaté et éclatant, fou et émouvant, drôle et passionnant, sérieux et totalement absurde, c’est tout en oxymores qu’il nous offre sa pièce, ce subtil mélange entre réjouissances et fantômes du passé.
Michael Delaunoy n’est pas pour autant étranger à cette réussite. En effet, la mise en scène est tout bonnement parfaitement pensée et maîtrisée : l’agencement du décor, les différentes pièces du costume composite, les jeux de lumière et les sonorités, tout est admirablement orchestré.
Bref, Le carnaval des ombres ou comment traiter de la guerre, de la mort et du désarroi par le rire et l'absurde sans rien trivialiser: un trait de génie que tous les spectateurs de l’Atelier 210 n’ont pas manqué de saluer.

Culture et Compagnie - 14/03/2012 - Carole Glaude

[…]Tout en jouant les ambiances festives et libératoires du carnaval, presque aussi connu en ces régions que celui de Binche, Demoulin incarne divers personnages du présent et du passé. Il passe continument d’une époque à l’autre, d’un protagoniste à une action. Il se prend à jouer avec le spectacle et la réalité, la fiction et la vérité historique, sa propre biographie et les rôles empruntés à des proches ou à des citoyens ayant existé.
Le tour de force qu’il réalise est de conserver une présence crédible durant tout le spectacle, quel que soit l’individu qu’il représente. Sans jamais tomber ni dans la caricature populiste des festivités bibitives, ni dans le pathos revendicatif des déçus de l’histoire officielle.
Un subtil jeu de va-et-vient s’établit entre la part de sentiments vécus, d’émotions réécrites, de vie publique et d’intimité familiale, d’amuseur et d’individu sensible. Cette cohérence-là insuffle au spectacle une humanité en partage dans la profondeur de ce qu’elle exprime.

www.ruedutheatre.eu - 06/03/2012 - Michel Voiturier

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Mon ami Serge Demoulin est un jour venu me trouver avec l’idée de créer un seul en scène qui parlerait de l’annexion des Cantons de l’Est par l’Allemagne nazie. Je lui ai piteusement avoué ma quasi totale ignorance de cette question.
Lui la vivait dans sa chair, avec un grand-père et deux oncles enrôlés de force pour aller se battre sous l’uniforme de la Wehrmacht et qui ne s’en étaient pas relevés. Cette histoire m’a bouleversé et j’ai dit à Serge que je souhaitais que le spectacle puisse se faire au Rideau.
Les jours et les semaines passant, je n’arrêtais pas de penser à ce que Serge m’avait si bien raconté et j’ai finalement accepté de le mettre en scène. Sans présager du résultat artistique, je sais déjà qu’il s’agit là d’une aventure humaine qui restera gravée en moi.
Michael Delaunoy, Directeur artistique

 

Cédric Juliens - Serge, quel est le déclic qui t’a poussé à écrire Le carnaval des ombres ?
Serge Demoulin - Ce désir, je le porte en moi depuis longtemps. Je rêvais de faire un spectacle sur «cette chose». Mais je ne m’en sentais pas capable. J’ai d’abord sollicité un auteur. Michael Delaunoy m’a
poussé plus loin : «il n’y a qu’une personne qui peut l’écrire, c’est toi.»

C. J. - Pourquoi ?
S. D. - J’ai rencontré un Monsieur (Paul Dandrifosse, qui a été enrôlé de force) qui m’a transmis de la documentation, presque une thèse, sur ces questions. A ce moment, j’ai reçu les réponses que je n’ai pas eues à 20 ans. Notamment de la part de ma famille. J’ai alors pris la liberté d’écrire. Quand j’en ai parlé à mon père, sa réaction a été : «tu es fou! Tu ne peux pas faire ça».

C. J. - «Ça ?»

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