The Berlin Stories de Christopher Isherwood, qui a été publié en 1945, est constitué de deux courts romans séparés: The Last of Mr. Norris, publié isolément en 1935 et Goodbye to Berlin, publié isolément en 1939. Ils explorent tous deux l'insinuation de comportements nazis dans le quotidien des personnes vivant en Allemagne à la fin de la République de Weimar. Goodbye to Berlin contient six histoires, dont «Sally Bowles», qui constitue la base de Cabaret. Ces histoires explorent les souvenirs berlinois d’Isherwood où il a vécu de 1929 à 1933. Ces histoires, qu’Isherwood décrit comme «un fouillis absurde d’histoires secondaires et de coïncidences», parlent de personnages sans importance vivant dans des niches sombres de la société berlinoise: «Escrocs, chercheurs d'or, artistes usés, prostitué€s, bourgeois nerveux et soi-disant révolutionnaires.» Collectivement, ces personnages symbolisent le fatalisme grandissant à cette époque. Ce qui unifie ces histoires apparemment disparates de Goodbye to Berlin est le point de vue d’un personnage, un écrivain anglais homosexuel vivant à Berlin qu'Isherwood a imaginé au départ de sa propre expérience. Ce narrateur observe la société à travers les yeux des autres personnages, ceux dont il est le plus proche. Il prétend fournir l'objectivité brute d'une caméra qui se borne à enregistrer ce qu'elle voit. Voici le second paragraphe du livre: «Je suis une caméra avec son obturateur ouvert, assez passive, enregistrant, ne pensant pas. Enregistrant l'homme se rasant à la fenêtre en face et la femme en kimono se lavant les cheveux. Un jour, tout cela devra être développé, soigneusement imprimé, fixé.» Cependant, son manque d'intérêt déclaré oblige le lecteur à se faire son propre jugement moral sur les événements qu'il décrit.
Le chapitre d'ouverture, intitulé «Un agenda de Berlin» introduit Christopher Isherwood, sa propriétaire (Fräulein Schroeder) et les gens qui vont et viennent dans sa pension de famille. Le chapitre suivant parle de la relation du narrateur avec Sally Bowles. Dans «Sur l'île Rügen» - écrit lors d'un séjour balnéaire - Isherwood observe une relation homosexuelle entre Peter Wilkson et Otto Nowak. Le chapitre «Les Nowaks» implique aussi Otto; Isherwood, ayant des difficultés de cash, loue une chambre dans la maison de famille d'Otto, vivant dans un quartier de la ville. «Les landauers» s’intéresse à une riche famille juive dont la fille prend cours anglais auprès d'Isherwood. Son cousin, Bernhard, se lie d'amitié avec lui, mais est finalement tué. Le narrateur est incapable d'atteindre une intimité réelle avec n'importe lequel de ces personnages. Comme l’a fait remarquer Claude J. Summers, spécialiste de l’œuvre d’Isherwood: «Son incapacité à lier une vraie relation même avec les personnages avec lesquels il a des contacts les plus intimes, reflète de l'état même de Berlin. Son échec personnel est symptomatique du syndrome social qui gâche toute la ville et qui culmine dans la mort spirituelle représentée par le triomphe d'Hitler.»
En 1951, John Van Druten a adapté The Berlin Stories au théâtre, intitulant sa pièce I Am a Camera, une expression tirée, comme nous l’avons vu, du roman. Cabaret a longtemps occulté I Am a Camera, mais Van Druten a le mérite d'avoir transposé à la scène le personnage de Sally Bowles et d’avoir osé élaborer une structure narrative réaliste au départ de l’œuvre tentaculaire d’Isherwood. L’auteur a surmonté la nature épisodique du roman d’Isherwood en limitant temporellement l'action à quatre mois et géographiquement à la pension de Fräulein Schroeder, qu’il a rebaptisée Schneider. L'intrigue se focalise sur la relation de Sally avec Christopher Isherwood, l'écrivain homosexuel calqué sur le narrateur de The Berlin Stories: ils se rencontrent, développent une relation intime mais pas sexuelle, puis se séparent. En passant, Sally mentionne avoir un amant, son collègue Klaus, qui l'a abandonnée pour l'Angleterre. Quand Sally apprend qu'elle est enceinte, probablement de Klaus, Christopher et Fräulein Schneider s’arrangent pour qu’elle puisse bénéficier d’un avortement. A la fin de la pièce, Sally et Christopher se séparent lorsqu’il décide de retourner en Angleterre.
Van Druten a transformé la nouvelle «Sally Bowles» en une comédie de salon et il a volontairement gommé les nuages menaçant qui pesaient sur The Berlin Stories. La séparation de Sally et de Christopher à la fin de la pièce a un côté larmoyant, doux-amer, mais il lui manque le pathos du récit identique que l’on trouve dans Goodbye to Berlin d’Isherwood.
Van Druten a aussi eu l’idée d’intégrer une intrigue secondaire impliquant deux autres personnages présents dans The Berlin Stories, Fritz Wendel et Natalia Landauer. Fritz est un aimable gigolo qui présente Christopher et Sally l’un à l'autre. Dans la pièce, Fritz est juif, mais il dissimule son identité religieuse jusqu'à la fin, quand un incident antisémite impliquant Natalia le pousse à lui révéler la vérité et à lui avouer son amour pour elle.
Van Druten a également imaginé un nouveau personnage, la mère autoritaire de Sally, Mme Watson-Courtneidge. Il s’agit d’un personnage majoritairement comique dont l'arrivée à l’improviste à Berlin repousse au loin les limites du réalisme et de la crédibilité, risquant de transformer l'histoire en une farce anglaise.
La morne version cinématographique réalisée par Henry Cornelius, a sagement fait disparaître Mme Watson-Courtneidge, mais ce changement n'a pas réussi à sauver ce film fade.