Le spectacle est créé à Londres où il est un gros succès...
Chess a soudain été entouré d'un battage médiatique retentissant. Les Shuberts voulaient organiser la création du musical à Broadway, en dépit du fait que les créateurs préféraient ouvrir dans le West End, à Londres. Pendant qu'allaient bon train les tractations avec les théâtres, le marketing a été lancé. Une impressionnante vidéo, Chess Moves avec quelques-unes des chansons, a été largement diffusée.
Beaucoup de gens ont été approchés pour occuper le poste de metteur en scène mais n'étaient pas, à ce moment-là du moins, disponibles. Le souhait premier était d'obtenir l'accord de Trevor Nunn mais celui-ci était était occupé avec ... Les Misérables.
A cette époque, les auteurs s'étaient fait une raison: ils prévoyaient une durée d'approximativement 2 ans avant de voir déboucher le spectacle sur une scène. C'est alors que débarqua Michael Bennett, rempli d'énergie, d'idées fraîches et rêvant de travailler avec Tim, Benny et Bjorn. Il est entré dans leur bureau en chantant les paroles de chanson: "J'ai vraiment besoin de ce travail, bon Dieu, j'ai besoin de ce travail!" de la comédie musicale A Chorus Line dont il était le metteur en scène et le librettiste.
Merano
Après plusieurs voyages à New York au printemps 1985, Michael Bennet a été définitivement choisi pour être le metteur en scène du spectacle qui devait ouvrir à l'automne.
Par ailleurs, la "Chess-mania" continuait… L'album-concept s'était déjà vendu à plus de 225.000 exemplaires en Suède, 200.000 en Allemagne, et était à la tête des hit-parades en France et en Belgique. Les ventes de l'album de Chess en Europe avait dépassé ceux de Jesus-Christ Superstar et Evita.
Une fois le metteur en scène trouvé, il était temps de faire de même avec un théâtre. Le Prince Edward Theatre avait été choisi. Dans ce lieu, le musical Evita (également avec des lyrics de Tim Rice) venait de fermer ses portes après huit années de représentations ininterrompues.
Avec Michael Bennett à la tête de l'aventure, les créateurs (Tim, Benny et Bjorn) étaient soulagés de bon nombre de soucis et pouvaient se concentrer sur la finalisation de l'œuvre. Un cast fut choisi principalement sur la base des chanteurs de l'album-concept, Siobhan McCarthy remplaçant Barbara Dickson (elle avait déjà cédé sa place sur Evita, et est l'actrice qui a créé Blood Brothers). Tout semblait donc bien se passer en décembre 1985, même si les coûts de production avaient explosé les budgets, surtout en ce qui concerne les décors qui faisaient appel à la haute technologie. Enfin, tout le monde était prêt à faire une pause pour des vacances de Noel bien méritées. Michael Bennett est rentré aux Etats-Unis et était attendu début janvier 1986 à Londres pour continuer le travail. Il ne revint jamais. Déjà malade, il s'avéra qu'il "était atteint du SIDA, ce qui ne fut pas révélé à l'époque… On parla plutôt de problèmes cardiaques.
Mais cela a évidemment lancé une série de rumeurs… On a raconté que la maladie de Bennett était une invention ayant pour but de camoufler un désaccord entre Tim Rice et le metteur en scène ou entre Elaine Paige et Bennett. Mais Tim Rice a déclaré qu'il n'avait plus discuté avec Bennett depuis la signature du contrat et que, à ce stade du travail, Elaine Paige n'avait encore rencontré Bennet que deux fois, et encore, très brièvement. Les producteurs eux-mêmes prirent peur… d'abord, bien sûr, suite à l'état de santé de Bennett mais aussi parce que les répétitions étaient à l'arrêt et que l'avenir-même du spectacle était remis en cause. Les créateurs se retrouvaient à la situation d'un an auparavant, sans metteur en scène. Il a donc fallu en trouver un autre…
Ironiquement, dans un avion vers New York, emprunté par Tim Rice pour donner le scénario final à Michael Bennett, Tim Rice est tombé sur Trevor Nunn. Avant cette rencontre impromptue, Trevor Nunn était incapable de s'occuper de Chess car son programme de travail était overbooké. Mais, maintenant, il avait assez de liberté pour se lancer dans de nouveaux projets. Le Fait que le spectacle avait déjà un décor, en plus déjà monté, et que le cast était déjà complet aurait repoussé n'importe quel metteur en scène. Trevor Nunn considéra cela comme un défi qu'il était prêt à relever. Il faut dire que, malgré les rumeurs, le show était sold-out trois mois avant sa première.
Le nombre de previews dû être réduit à quatorze au lieu des vingt-quatre prévues, à cause de problèmes informatiques, mais la date d'ouverture fut maintenue au 14 mai 1986. Le show était "hybride" car Nunn a du se faire à un décor créé par un autre metteur en scène et il en est de même pour le cast.
La première de Chess a donc eu lieu au Prince Edward Theatre de Londres le 14 mai 1986. Trevor Nunn avait réussi son défi, malgré des difficultés techniques considérables. La première de la comédie musicale suscita une critique mitigée, et selon le magazine Variety, «un des plus gros mouvements de foule récemment vus à West End». La plupart des critiques négatives ont eu des commentaires de «beaucoup trop long» à «court» et le Guardian conclut que «une comédie musicale est au niveau de son scénario, et ici il est confronté à un grossier désordre». Plusieurs journaux londoniens eurent un avis contraire, dont le Daily Telegraph qui affirmait que le spectacle «force l'admiration», tandis que The Times notait que «c'est un bel ouvrage montrant le dinosaure de la grande comédie musicale en train d'évoluer vers une forme de vie intelligente». Plusieurs écrivains, notamment Frank Rich et Ken Mandelbaum, remarquèrent que le produit final était sublimé par les styles très différents de Bennett qui créait un spectacle flamboyant, élaboré et stylé, et de Nunn qui s'occupait plus du réalisme (par exemple, Nunn a ajouté de nombreuses chaises et tables et autres éléments plus réalistes à la scène high-tech stylisée prévue par Bennett).
À Londres, Chess était une gigantesque production, dont le coût est estimé à plus de 12 millions de dollars. Le spectacle allonge le scénario de l'album-concept en ajoutant de nouvelles tirades. Il est joué par les acteurs principaux Elaine Paige, Tommy Körberg et Murray Head, ainsi que Siobhan McCarthy dans le rôle de Svetlana, John Turner dans le rôle de Molokov, Kevin Colson dans le rôle de Walter, et Tom Jobe dans celui de l'arbitre. Il a attiré d'autres vedettes du West End, comme Anthony Stewart Head, Grenia Renihan, David Burt et Peter Karrie, pendant ses trois années de représentations. Le spectacle reçoit le prix de la critique, ou London Critics' Circle Theatre Award pour la «meilleure comédie musicale» ainsi que trois nominations pour le prix Laurence Olivier : «meilleure comédie musicale», «performance remarquable d'un acteur» (Tommy Körberg) et «performance remarquable d'une actrice» (Elaine Paige).
Chess a fermé à Londres le 8 avril 1989.