"Un des spectacles incontournables de l’année."
(Christian Jade - RTBF)
Il y a ce que l’on voit, ce que l’on veut bien voir et ce que, saturé d’images, on ne voit plus.
Délégué du Comité International de la Croix-Rouge, Maurice Rossel s’était rendu , en juin 1944, dans la ville-ghetto de Terezin et avait conclu sa visite par un rapport utile aux nazis. Frappé par son aveuglement, Juan Mayorga éprouva le désir de porter à la scène cette expérience. "L’expérience d’un homme qui, voulant aider la victime, finit par coopérer avec le bourreau." Tournant autour du sinistre maquillage d’un camp de concentration en cité paisible, "Himmelweg" est une pièce exigeante qui nous émeut et nous fait réfléchir. A la difficulté de voir la vérité, à la manipulation des faibles et aux relations ambiguës entre le théâtre et la vie.
Après la deuxième guerre mondiale, un ex-délégué de la Croix-Rouge revient au camp de concentration qu'il inspecta pendant la guerre. Il cherche les voies ferrées, revoit la rivière qui entoure les lieux et retrouve la rampe de ciment qui reliait directement la gare d'arrivée à ce qu'on appelait l'infirmerie. "Le chemin du ciel". Ainsi nommait-on alors ce passage suspendu qui trône encore sur les lieux et déchire le paysage. Maintenant, tout le reste a été dévoré par le temps et la nature s'est emparée des ruines. Cependant, les traces de toutes les souffrances et les cris étouffés des victimes restent gravés dans la pierre, tels d'étranges hiéroglyphes.
L'ex-inspecteur nous raconte l'expérience de sa visite et redit l'objectivité de son rapport final. Ce jour-là dans le camp, au cœur de la guerre, tout était normal. Des enfants jouaient à la toupie, des musiciens répétaient sur la place, des marchands de ballons offraient leurs marchandises aux promeneurs. Partout, il crut voir la normalité. Le Commandant fort aimable et surtout, plus aimable encore, un "pensionnaire" du camp qu'on lui présenta comme le Maire de la ville, accompagnèrent ses pas, prêts à satisfaire toute curiosité. Personne ne s'approcha pour exprimer une plainte, lui faire un signe d'inquiétude ou lancer un appel au secours. Ainsi, après un déjeuner correct partagé avec la famille du maire, le bon juif Gershom, il se retira et dés son retour à Berlin, rédigea un rapport positif sur tout ce qu'il venait de voir. Pourtant, une certaine raideur dans le comportement des juifs l'avait troublé, quelque chose d'étrangement mécanique. Il les jugea impénétrables, repliés sur eux-mêmes, dans leur culture et leurs traditions trop étrangères aux siennes pour les comprendre.
Ce que Juan Mayorga nous raconte et nous fait découvrir, c'est l'autre côté du miroir, dans une vision épurée et dramatique. Le Théâtre occupe tout l'espace. Physique et mental. On assiste aux essais partiels de la construction d'une immense supercherie et à ses répétitions. Le jeu théâtral, le "mensonge" du théâtre, viennent au secours de l'horreur en masquant la vérité. Les bourreaux seront "sauvés". À nous de les démasquer à nouveaux.