L'île des esclaves est un lieu où tout est possible…

Que se passe-t-il quand les rôles s'échangent, quand ceux qui se considèrent - à juste titre - comme des victimes ont soudain le dessus? Jusqu'où peuvent-ils aller? Jusqu'au bout? Jusqu'à devenir des bourreaux? Peut-être...

Est-ce que c'est une comédie? Oui, incontestablement. Mais une comédie à la Shakespeare, avec jeux de mots à double fond, travestissements du pouvoir et de l'impuissance, sous-entendus en miroir et illusions perdues.

Est-ce que c'est une tragédie? Oui, sans doute, car, à la fin des fins, les victimes cèdent le pouvoir de bonne grâce contre quelques promesses qui ne coûtent rien, plus effrayés sans doute de s'être vus si semblables à leurs maîtres que de reprendre leur vie de tourments.


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Iphicrate et Arlequin ont fait naufrage sur une île, après que leur chaloupe se fut brisée contre un rocher. Tous leurs compagnons semblent avoir péri en mer, Iphicrate veut partir à leur recherche mais Arlequin, ayant compris qu'ils étaient sur l’île des esclaves , une île où les esclaves deviennent maîtres et les maîtres esclaves, profite de la situation pour décider de ne plus être son esclave. Pour son insolence, Iphicrate, furieux, menace Arlequin de son épée, signe de sa noblesse.

Une personne nommée Trivelin, accompagnée de quelques habitants de l'île, accourt vers Iphicrate lorsqu'il le voit l'épée à la main. Trivelin le désarme et pour punir Iphicrate de son comportement agressif envers Arlequin, il leur ordonne de changer de nom. Désormais Arlequin sera le Seigneur Iphicrate et le Seigneur Iphicrate sera Arlequin ou simplement « Hé ».

Trivelin, ancien esclave et gouverneur de l'île, leur explique alors la loi de l'île des esclaves : quand un maître arrive avec son esclave, le maître devient l'esclave et l'esclave son maître. Le maître pourra ainsi en tirer une leçon et revenir sur ses erreurs. Il s'agit donc de corriger l'orgueil et la barbarie des maîtres, pour les rendre « sains », plutôt que de se venger.

Arlequin et Iphicrate rencontrent Cléanthis et Euphrosine qui sont dans le même cas. Trivelin encourage Cléanthis à faire le portrait d'Euphrosine, puis fait avouer à celle-ci que ce portrait est ressemblant. Arlequin fait de même pour Iphicrate devant Trivelin ; Iphicrate finit aussi par concéder la véracité du portrait.

Arlequin et Cléanthis, nouveaux maîtres, s'essaient à la séduction, comme les nobles, mais ça ne prend pas. Arlequin propose alors à Cléanthis de tomber amoureuse d'Iphicrate, pendant que lui, séduira Euphrosine.

Cléanthis part voir Euphrosine pour lui dire du bien d'Arlequin. Euphrosine s'en moque. Arlequin arrive devant Euphrosine mais sa déclaration tourne à l'échec. Euphrosine retourne la situation et domine Arlequin.

Arlequin ordonne à Iphicrate d'aimer Cléanthis, la nouvelle Euphrosine, mais Iphicrate se plaint. Il tente de prendre Arlequin par les sentiments, et d'éveiller chez lui de la pitié et des remords, pour le faire culpabiliser. Arlequin n'est pas dupe et ne se laisse pas influencer.

Arlequin finit par pardonner à son maître, renonce à son nouveau statut et échange ses habits avec ceux d'Iphicrate. Arlequin a compris qu'il n'est pas fait pour être maître : « Je ne te ressemble pas, moi, je n'aurais point le courage d'être heureux à tes dépens. ». Iphicrate assure à Arlequin qu'il a compris la leçon, qu'il lui revaudra ça et lui demande même d'oublier qu'il a été son esclave. Cléanthis, qui les rejoint avec Euphrosine, est étonnée de la situation. Arlequin invite Cléanthis à faire de même en expliquant qu'il veut être un « homme de bien » et que cela passe par le pardon.

Euphrosine, une fois de plus, essaye de profiter de la situation, ce qui provoque la colère de Cléanthis : les riches et les nobles, avec leur or, leur argent, leur dignité ne valent pas plus que les autres. Ils les méprisent même et sont incapables de pardon. Pour être capable de pardonner, il ne faut pas être seigneur, il faut « avoir le cœur bon, de la vertu et de la raison »… voilà ce qui fait qu'un homme est plus qu'un autre.

Arlequin intervient pour dire à Cléanthis que le pardon n'a pas besoin de reproches, d'injures et de rancune. Euphrosine finit par avouer qu'elle a « abusé de l'autorité » qu'elle avait sur Cléanthis. Cléanthis lui rend sa liberté, Euphrosine l'embrasse et lui propose le partage de ses biens.

Trivelin revient et trouve Cléanthis et Arlequin, libérés de leur condition d'esclaves, agenouillés, par humilité, devant leurs anciens maîtres. Trivelin n'est pas étonné de ce qu'il découvre, c'est ce qu'il attendait. Il prend finalement la parole et rappelle les leçons de l'expérience de chacun : Euphrosine et Iphicrate ont compris qu'ils agissaient mal quand ils étaient les maîtres, et Cléanthis et Arlequin ont choisi le pardon plutôt que la vengeance quand ils sont devenus les maîtres. Il invite chacun à réfléchir là-dessus. Il conclut que « la différence des conditions n'est qu'une épreuve que les dieux font sur nous ».

Trivelin annonce ensuite aux quatre Athéniens qu'ils peuvent se préparer à repartir, un bateau va bientôt les reconduire à Athènes. Il termine en disant que ce jour est sûrement le plus « profitable » de leur vie.

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