Il était une fois Marianne, une jeune fille
qui rêvait d'une autre vie…
"Rien ne donne autant le sentiment de l'infini que la bêtise"
Des gens simples qui rêvent, qui s'aiment, qui souffrent, qui se trahissent …
La vie, tout simplement
Marianne est la fille d'un marchand de jouets de Vienne. Son père l'a promise à Oscar, un riche boucher du quartier. Mais lors du "picknick de fiançailles", elle tombe amoureuse d'un invité: Alfred. Rythmée par les feux d'artifices, tandis que la fête bat son plein, la passion de Marianne pour ce bookmaker veule et désœuvré dynamite les conventions de cette micro-société de carton-pâte.
Marianne choisit de suivre un chemin de traverse et de suivre Alfred. Elle tente de vivre une autre vie… Mais, emportée par la cadence endiablée de la valse de Strauss qui scande les intermèdes, la pièce court inexorablement vers son épilogue tragique.
Au bout d'un an de vie commune, et incapable de gagner leur vie, Alfred met le bébé dont Marianne a accouché en nourrice chez sa grand-mère à la campagne, où il mourra bientôt d'un refroidissement. Marianne, abandonnée, se retrouve danseuse dans une boîte de nuit après le refus obstiné de son père, désespéré, déshonoré, de la reprendre avec lui.
Un soir, ce dernier sort avec son vieil ami émigré aux Etats-Unis; ils découvrent Marianne, posant nue au Maxim. Marianne tente de délester l'ami américain d'un billet, et se retrouve en prison. Valérie réussit finalement à réconcilier Marianne et son père. Oscar le boucher, l'enfant de la honte étant mort, propose à nouveau d'épouser Marianne.
On est sorti heureux de la première des « Légendes de la forêt viennoise », à plusieurs titres : le plein air du Karreveld sans pluie et pas (trop) froid, c'était déjà pas mal; une pièce forte, qui fait mouche à chaque réplique, et qui, écrite en 1930, nous touche de plein fouet, c'est encore mieux. Et découvrir un très jeune metteur en scène, Patrice Mincke, qui affronte pour la toute première fois 19 personnages dans une structure éclatée, sous les étoiles, et qui emporte sans faillir comédiens et spectateurs, c'est encore plus rare et on applaudit sans réserves !
Marianne joue sur du velours avec l'intense et parfaite Jasmine Douieb, Nicole Valberg explose dans tous les registres du rôle de Valérie la buraliste ; Philippe Vauchel, en charcutier, déploie aussi une palette de jeu qui vous prend à la gorge. Le jeune Alexis Goslain, encore un peu vert, donne une nonchalance désarmante à Alfred. Et l'on pourrait encore vous citer Viviane Collet, grand-mère teigneuse, meurtrière, l'inénarrable Pierre Fox en major vétéran, Pierre Pigeolet, Gérald Wauthia, Pierre Plume, etc.
Le Soir - 26/7/2002 - Michèle Friche
Le metteur en scène a su mener au rythme qui convient cette sarabande de désirs qui fait songer à Schnitzler par endroits, à Brecht aussi, voire à Vitrac. L'humour grinçant débouche sur une émotion vraie: il y a du mélodrame sous la satire sociale.
La réussite du spectacle du Karreveld tient à l'interprétation généreuse et inspirée des acteurs. Ils sont tous justes dans des compositions attachantes, tour à tour drôles, odieux et pathétiques. `Qui aime bien châtie bien´, dit à plusieurs reprises le boucher auquel Philippe Vauchel confère ce qu'il faut de bonhomie cauteleuse et de sadisme larvé. Et l'on sent en effet chez l'auteur autant d'amour que de lucidité dans le regard qu'il porte sur ses semblables.
La Libre Belgique - 25/7/2002 - Philip Tirard
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Cette pièce a le pouvoir - pour autant que le théâtre ait gardé quelque pouvoir sur notre société - de nous éloigner de la haine , de nous éclairer sur la stupidité de tous ces jugements à l’emporte-pièce qui inondent notre quotidien , de nous pousser à voter au premier tour quand il en est encore temps.
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La question qui brûle les lèvres à l'annonce de la programmation de cette pièce cet été au Karreveld est "POURQUOI ?". Pourquoi cette pièce au long titre énigmatique, pourquoi cet auteur quasi-inconnu du grand public dans ce lieu qui a désormais une tradition populaire (au sens noble du terme)? La réponse est dans la question.
En effet, si d'un point de vue marketing von Horvath sonne comme un intrus au milieu de Shakespeare, Rostand, Marivaux et Molière (les autres productions de Bulles au château), Les Légendes de la Forêt Viennoise s'insère dans le Festival avec une complémentarité étonnante de par sa vocation de parler du peuple et au peuple et de lui transmettre un message d'une brûlante actualité.
Marianne est la fille d’un marchand de jouets auto-ritaire qui lui interdit toute émancipation professionnel-le: «Papa a toujours dit qu’ une femme financièrement indépendante d’un homme, ça mène au bolchévisme».
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Alfred est un jeune garçon qui a une bonne fois pour toute décidé de jouir de la vie. Eternel adolescent? Sans doute. De quoi vit-il? Il traficote, il vit de l’argent des autres…
LA MÈRE - Tu travailles toujours à la banque ?
ALFRED - Non.
LA MÈRE - Où alors ?
Un silence.
ALFRED - J'ai pas l'étoffe d'un employé, ça n'offre aucune chance d'épanouissement. Le travail, au sens traditionnel, ce n'est plus rentable. Quand on veut réussir, de nos jours, faut se servir du travail des autres. Je me suis mis à mon compte. Financements et ainsi de suite.
Oscar est boucher. Il est le fiancé désigné de Marianne, mais on sait comment l’affaire va mal tourner. Il est le prototype-même du petit bourgeois et fait preuve d’une double nature: sentimentale et brutale. Il montre souvent une religiosité superficielle qui est empreinte de plaisir à l'auto-compassion.
Oscar souhaite de tout son cœur la mort du petit Leopold, fils de Marianne, l’enfant de la honte. Une fois celle-ci abandonnée par Alfred, c’est le seul obstacle que la moralité met encore entre lui et Marianne.
VALÉRIE - Vous seriez encore capable d'épouser Marianne, maintenant qu'elle est de nouveau libre
OSCAR - Si elle n'avait pas l'enfant
C’est une contre-figure de la pièce. Elle ne feint rien. Elle n’a pas de scrupules. C’est elle qui «aidera» la mort de son arrière petit fils, l’enfant d’Alfred.
LA MERE - Il m’inquiète, le petit Léopold... Il a tellement toussé cette nuit, et qu'est-ce qu'il a les joues rouges, et son regard est tout changé... Le pauvre petit Louis, à l'époque, ça avait commencé exactement pareil
LA GRAND-MÈRE - Dieu a donné. Dieu a repris.
LA MÈRE - Maman!
Le père de Marianne est le propriétaire d'un magasin de jouets. Sous ses apparences de commerçant bon teint, il est en fait un père autoritaire et est un vrai tyran à la maison. Il n’hésitera pas à chasser sa fille enceinte.
Comme seules les apparences de moralité comptent, il n’hésite pas à fréquenter les bars de strip-tease. Et c’est là qu’un jour, par hasard, il tombe sur Marianne, dont c’est devenu le seul moyen de subsistance…
MARIANNE - On va très mal, le petit Léopold et moi
ROIMAGE - Quoi?! Léopold?! Mais Léopold, c’est moi! C'est un comble! Elle a donné mon nom à sa honte! Il ne manquait plus que ça! Terminé! La casse se paye! Terminé! Il se lève mais doit se rasseoir très vite.
Dernier refuge de Marianne, dernier espoir de compassion. Ce n’est pas non plus la dernière lâcheté…
LE CONFESSEUR - Bien, récapitulons : à ton pauvre père, qui t'aime plus que tout au monde et qui n'a jamais voulu que ton bien, tu as causé les pires souffrances, soucis et inquiétudes, tu as été désobéissante et ingrate… Poussée par la concupiscence, tu as rompu avec ton fiancé pour te cramponner à un dépravé… Silence ! On connaît ! Et ça va faire plus d'un an que tu vis en dehors des saints sacrements du mariage avec ce lamentable individu, et c'est dans cet affreux état de péché mortel que tu as conçu et mis au monde ton enfant… Quand ?
MARIANNE - Il y a huit semaines.
LE CONFESSEUR - Et cet enfant du péché et de la honte, tu ne l'as même pas fait baptiser… Reconnais-le: que pourrait-il sortir de bon de tout cela ? Rien! Mais il y a pire! Tu as été jusqu'à vouloir le tuer dans ton ventre
La «Volksstück» - la pièce du peuple - est depuis le milieu du XIXème siècle le nom courant que l’on donne à une forme bien déterminée de théâtre sur le peuple et pour le peuple. La notion de «peuple» doit ici avec sa plus large signification et varie d'ailleurs d'une pièce à l'autre selon don contenu. Le plus souvent, ces pièces étaient jouées dans des grands théâtres urbains et le «public-cible» était avant tout la population citadine. Les thèmes abordés et les styles utilisés étaient très diversifiés.
Suite
Marianne est le personnage central de la pièce. Elle est entourée par des groupes très différents qui la traitent très diversement. On voit rapidement, lors d'une répartition des hommes et femmes, que la pièce est fortement dominée par les hommes. Cependant, on ne peut pas dire que les femmes ou les hommes soient plus brutaux ou plus insensibles les uns que les autres. En fait, tous se rendent service mutuellement.
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La mentalité des personnages principaux est fortement caractérisée par la pression économique et sociale du monde qui les entoure. L’acquisition d’argent et le rang social à maintenir sont deux combats de tous les instants. Les personnages essaient d'échapper à cette pres-sion. Ils y arrivent en se ménageant des moments de gaieté, remplis de joies simples, mais souvent fort artificielles. Les vrais con-flits sont ignorés et écartés habilement par quelques lieux communs.
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1901
Le 9 décembre, le même mois que Walt Disney et Marlène Dietrich, naît Edmond (Ödön) Joseph von Horvàth à Susak, dans la banlieue de Fiume (aujourd'hui : Rijeka), sur les bords de la mer Adriatique. Son père, Edmond Joseph von Horvàth (1874-1950) est attaché au consulat impérial et royal d'Autriche-Hongrie ; sa mère Marie Hermine née Prehnal (1882-1959) vient d'une famille de médecins militaires austro-hongroise.
«Je suis un mélange typique de cette vieille Autriche-Hongrie : hongrois, croate, tchèque, allemand - il n'y a que la composante sémite qui me fasse hélas, défaut.»