Trois rivales apprennent qu'elles aiment le même homme
ll fallait trois magnifiques comédiennes pour faire vivre ces personnages qui ne se rencontrent jamais. Leur jeu formidable, l’astucieux décor et la musique en parfaite concordance vous font entrer dans cette histoire comme dans un bon film.
Chassé-croisé dynamique et drôle, «Jalousie en trois mails» est à la fois une superbe performance et un moment de théâtre jubilatoire.
Progrès technologique oblige, Jalousie en trois fax d’Esther Vilar est devenu Jalousie en trois mails dans la mise en scène impeccable de Daniel Hanssens. Le courriel a remplacé l’encre mais le venin coule toujours dans cette comédie intelligente et drôle.
Tout commence avec un e-mail sur la boîte de Helen, avocate quinquagénaire mariée à Laszlo. Le message vient de Yana, architecte trentenaire qui habite dans le même immeuble et prétend être la maîtresse de Laszlo. Pour la convaincre, Yana lui fait parvenir la clef d’un local technique avec vue sur son petit nid et ses fougueux ébats. La guerre est déclarée ! Entre les deux femmes, les missives se font missiles, les touches de l’ordinateur crépitent sous le feu des conseils assassins et autres coups bas, non sans une distinction toute féminine, même sur le champ de l’humiliation et du chantage. Invoquant les statistiques ou les lois biologiques – un homme, dès la cinquantaine, est attiré par les femelles plus jeunes – elles se livrent une guérilla par e-mails interposés.
La bataille se complique lorsqu’une nouvelle favorite, elle aussi dans le même immeuble, vient ravir l’objet du désir. Iris, vingt ans, est bouddhiste, ce qui ne l’empêche pas de jeter un peu plus de feu sur l’huile internaute. Zen, elle sait aussi se faire fielleuse pour revendiquer sa part du territoire masculin.
On ne verra jamais ce Laszlo qui ne nous attendrit pas sur la nature des hommes avec son papillonnage égoïste à tous les étages. Ce qui compte ici, ce sont les ravages d’un sentiment qui vous ronge autant qu’il vous exalte, la jalousie.
Après quelques coups de théâtre, la triomphatrice fera les frais de cette drogue redoutable, dont les effets excitants surpassent parfois l’amour même.
La forme épistolaire de la pièce aurait pu manquer de dynamisme mais le jeu des trois venimeuses comédiennes fait galoper ce chassé-croisé. Ingénieux, le décor plante les appartements des rivales sur le même plateau, transformant la correspondance en dialogues. Attention, armes de séduction massive !
Le Soir - 20/3/2010 - Catherine Makereel