Chant du cygne de la mythique Sarah Bernhardt
Vingt-quatre ans après son interprétation de Sarah Bernhardt, au Théâtre du Parc, Jacqueline Bir rendosse le costume de La scandaleuse (un des surnoms de la comédienne). «Divine» aux yeux d’Oscar Wilde, «Voix d’or» pour Victor Hugo, «monstre sacré» du théâtre français selon l’expression choisie de Sacha Guitry, la grande tragédienne Sarah Bernhardt inspire Sarah et le cri de la langouste au dramaturge John Murrell. Dialogue intimiste et vibrant, drôle autant qu’émouvant, la pièce en deux actes, est une évocation bouleversante de l’actrice au soir de sa vie qui, se confiant à son fidèle majordome, fait revivre ses souvenirs
Jouée autrefois par Delphine Seyrig et Georges Wilson, puis par Fanny Ardant et Robert Hirsch, cette pièce plutôt traditionnelle, ravira les partisans d’un théâtre à l’ancienne avec un texte bavard, avec ses bons mots et ses réflexions acidulées sur la vie et la mort, avec son duel entre deux personnages d’exception qui se houspillent mais s’apprécient. Au surplus, elle donne l’illusion au spectateur d’entrer dans l’intimité d’une femme légendaire, de partager des petits secrets dont sont friands les magazines people.
L’intérêt réside dans plusieurs éléments. L’auteur a donné au personnage du secrétaire la possibilité de jouer plusieurs rôles, puisqu’il sera tour à tour la mère de l’actrice, sa sœur, un amant, son mari, son fils, un imprésario américain, un machiniste, Oscar Wilde et George Bernard Shaw. D’où une amusante galerie de portraits ayant une saveur de petite mise en abyme.
Le décor est d’ailleurs construit pour jouer les miroirs. Il réfléchit les personnages et une part des coulisses. Tout comme la star devait aimer regarder son reflet dans des glaces. Enfin, la mise en scène de Hanssens a parié sur une certaine sobriété en évitant les effets superflus qui auraient déforcé la crédibilité de deux individus cabotins, l’une par métier, l’autre par nécessité. Et Bir autant que Von Sivers parviennent à les jouer sans forcer, habités par la présence qu’ils ont toujours eu tous deux sur les planches.
On rit donc beaucoup. Les traits incisifs portés par Sarah à son entourage, à sa profession font mouche comme lorsqu’un Saint-Simon dépeint la cour de Louis XIV et du régent qui lui succéda ou un Guy Bedos brocarde le microcosme politique actuel. Les aphorismes de plusieurs répliques restent en mémoire. La connivence entre les deux protagonistes y ajoute la révélation du plaisir qu’ils ont à jouer ensemble.
Au-delà, il y a la mise à nu d’une vedette dont le théâtre se souvient toujours. Bernhardt fut un monument. Ses blessures, ses rancœurs se dévoilent mais surtout son phénoménal appétit de vivre et de profiter de l’existence, même lorsque la vieillesse est venue, même lorsque l’amputation d’une jambe l’empêche d’être libre de ses mouvements.
Rue du Théâtre - 31/8/2011 - Michel Voiturier