Le 11 septembre, le monde s’est arrêté.
Le 12 septembre, leur histoire nous a redonné foi en la vie.
«Come From Away» vous transporte au cœur de la magnifique histoire vraie de 7.000 passagers de 38 avions de ligne qui ont atterri d'urgence le 11 septembre 2001 dans la petite ville de Gander à Terre-Neuve dont les habitants vont tout mettre en œuvre pour accueillier au mieux ces femmes et ces hommes venus des cinq continents.
Au milieu des cultures qui s’entrechoquent et de la panique ambiante, l’inquiétude laisse place à la confiance, la musique s’élève dans la nuit et la gratitude se transforme en une amitié qui durera toute la vie.
«Come from Away» montre ce petit monde temporaire où tout le monde est forcé, par des événements bouleversants survenus à des centaines de kilomètres de là, de se réunir et de construire une communauté basée sur des principes de générosité et de bienveillance.
Le festival Bruxellons s’ouvre avec une comédie musicale hors du commun, inspirée d’un petit miracle humain survenu en marge des attentats du 11 Septembre. Au château du Karreveld.
Tout le monde se souvient précisément de ce qu’il faisait le 11 septembre 2001. Mais, pour certains, ce souvenir s’avère plus dense que pour d’autres. C’est le cas notamment des habitants de Gander, petite ville de Terre-Neuve. Ce jour-là, les attentats terroristes entraînent la fermeture de l’espace aérien américain et 38 avions sont détournés vers l’aéroport de Gander, à l’extrémité orientale du Canada. La petite ville doit faire face à l’afflux de 7.000 passagers qui parlent 96 langues différentes. Un petit miracle d’hospitalité va alors se produire : les habitants de Gander se mobilisent pour loger, nourrir, vêtir et réconforter ces naufragés de l’air, tout en absorbant le choc d’un monde en train de basculer.
Dix ans plus tard, en 2011, les auteurs Irene Sankoff et David Hein se rendent à la cérémonie mémorielle qui réunit toutes les personnes qui ont vécu ce moment hors du commun. Les artistes écoutent et enregistrent les témoignages des uns et des autres, des centaines d’heures de bobines qui vont bientôt nourrir l’écriture de Come from away, comédie musicale qui devient vite un « hit » à Broadway, puis Londres. Aujourd’hui, c’est à Bruxelles, en français (dans une traduction de Stéphane Laporte), que se déploie le spectacle. « Une histoire extraordinaire de gens ordinaires », résume Jack Cooper, qui signe la mise en scène avec Anne Mie Gils (artiste flamande qui a joué dans les productions musicales précédentes de Bruxellons, comme Sunset Boulevard ou Elisabeth). Nous les rencontrons tous les deux, par un après-midi du début juillet, alors que les répétitions ont démarré en plein air, sur les tréteaux du château du Karreveld, à Molenbeek-Saint-Jean.
Destination Terre-Neuve
Sur la scène, de jolies maisons de bois nous transportent illico en Terre-Neuve, mais on pourrait tout aussi bien imaginer être en Norvège, dans cette pièce qui rassemble des personnages du monde entier. « Dans la version originale de Broadway, ils ont choisi de planter le décor dans une forêt, mais ce n’est pas juste », sourit Jack Cooper. « Les premiers mots de la pièce sont Welcome to the rock car Gander est sur une espèce de rocher, sans beaucoup d’arbres. D’ailleurs, quand on a envoyé les photos du décor aux habitants de Gander (l’équipe de production a réussi à prendre contact avec les « Ganderiens », NDLR), ils nous ont dit : On dirait chez nous », se réjouit le metteur en scène.
Cette après-midi-là, les répétitions commencent par « la chanson de la pilote », séquence dédiée à Beverly Bass, incarnée par Marion Preite. Ce personnage, inspiré de celle qui est, par ailleurs, la première femme commandant de bord de l’histoire des Etats-Unis, chante : « Des terroristes ont frappé et tout à coup, la chose que j’aime le plus au monde a servi de bombe. » Marion Preite est accompagnée par un orchestre live, que l’on distingue à l’intérieur d’une des maisons de bois. C’est la première fois que les musiciens – d’habitude cachés dans les coulisses – sont visibles sur la scène. « C’est possible cette fois parce qu’ils ne sont que huit », précise Jack Cooper. « Ils jouent de la musique folk, une musique qui parle directement aux gens parce qu’elle fait partie d’un imaginaire commun. »
De son côté, Anne Mie Gils ajoute que la musique « aide à garder un rythme soutenu » dans une pièce conçue pour avancer de manière inéluctable. « On se prend une vague d’une heure quarante, sans entracte, sans applaudissements, et le défi est de garder cette cadence. Sur scène, il y a 12 chaises, qui permettent de passer très vite d’un avion, à un bus, à un café, etc. Quant aux comédiens, chacun joue plusieurs personnages. » Pour cette distribution réduite – ils sont 12 alors que d’habitude on tourne sur une vingtaine pour les comédies musicales de Bruxellons –, l’équipe a eu envie de réunir « des vraies gens », confie Jack Cooper. « C’est-à-dire qu’on n’a pas cherché un casting glamour-paillettes mais, au contraire, on voulait des personnes qui ont l’air de M. et M me Tout-le-monde, des gens comme on peut en croiser dans un aéroport. Les comédiens viennent de Belgique et de France, mais ont des origines très différentes. »
Ode au genre humain
L’équipe ne craint-elle pas de prendre des risques en programmant un titre relativement peu connu, contrairement aux « blockbusters » qu’ils ont précédemment réalisés comme My Fair Lady ou West Side Story ? « On ne prend jamais de risque quand on raconte une belle histoire », s’enflamme Jack Cooper. « D’ailleurs, il y a aussi des risques à faire une pièce très connue, le risque de décevoir parce que les gens ont des a priori et on ne fait pas ce qu’ils attendaient. Plus que de faire un gros titre, on a surtout envie de faire une bonne histoire. Or on a rarement vu un spectacle aussi tourné vers le genre humain que Come from away. Alors que l’actualité nous rappelle qu’il y a une tendance effrayante au repli sur soi, ce spectacle parle d’humanité. Il est la preuve qu’entre êtres humains, on peut s’entraider, que les gens sont faits pour vivre ensemble. Il raconte l’histoire de personnes, de 96 nationalités différentes qui ne voulaient pas être là, ne se comprenaient pas et pourtant ont réussi à éviter tout conflit alors que le monde sombrait. »
Si cette comédie musicale – la huitième à être produite à Bruxellons – dessine une aventure singulière, c’est aussi parce que l’équipe de création a pu interagir avec les véritables protagonistes de l’histoire. « On a cherché puis trouvé sur internet le contact des gens de Gander et on a organisé une visioconférence », explique le metteur en scène. « C’était incroyable cette simplicité avec laquelle ils racontaient comment ils ont laissé leur chambre à ces gens, comment ils ont transformé l’école en quelques heures pour loger mille personnes, comment ils ont réussi à sortir 100.000 repas. Ils nous disaient simplement : on a fait ce qu’il fallait faire. Le maire a aussi cette phrase magnifique pour dire qu’au début, il y avait 7.000 inconnus, puis c’est devenu 7.000 amis et quand ils sont partis, ils ont eu l’impression de quitter la famille. »
Catherine Makereel - Le Soir - 10/7/2024