Entre humour cinglant, confessions douloureuses et retours sur les petits bonheurs, une vie tracée par la plume explosive de Dennis Kelly
Les Prix Maeterlinck de la critique se sont débarrassés de la dénomination acteur et actrice. France Bastoen a donc reçu le prix de «l’interprète» de l’année pour son jeu imparable dans «Girls and Boys».
«Et pourtant, je continue à croire que le théâtre peut changer le monde […] et que l’auteur doit, plus que tout, s’acharner à tâtonner vers la vérité.» Denis Kelly
Girls and boys, c’est une expédition dans les méandres de la mémoire mettant peu à peu à jour comment un quotidien s’écaille, se fissure par petits coups d’éclats et finalement, explose. Le texte de Dennis Kelly est construit comme un puzzle, et ce n’est que petit à petit que se construit l’image, faite ici des travers et méfaits d’une société machiste et capitaliste, où se dépose l’histoire intime d’une femme d’aujourd’hui.
«J’ai rencontré mon mari dans la file d’embarquement d’un vol Easyjet…
... et je dois dire que cet homme m’a tout de suite déplu»
Ça s’est passé exactement comme ça : au premier regard, il lui déplaisait, au second, elle était conquise. Il suffit d’une rencontre pour faire basculer une vie et d’un geste pour la faire dérailler complètement. Une femme se fait l’enquêtrice de sa propre vie, égrénant ses réussites professionnelles comme ses souffrances privées, elle se laisse peu à peu rattraper par les instantanés de sa vie de maman… Quand l’ironie s’estompe, le drame se diffuse dans la voix comme de l’encre sur un buvard et l’histoire qui commençait comme un stand-up et s’était poursuivie en thriller, aboutit sans détour possible à la tragédie.
«JJ'ai rencontré mon mari dans la file d'embarquement d'un vol EasyJet et je dois dire que cet homme m'a tout de suite déplu.
C'était en Italie. J'étais partie voyager - sans but particulier ni pour genre «voir le monde» mais parce que je ne savais plus ce que j'étais en train de foutre de ma vie et que j'étais tout simplement incapable d'imaginer me mettre à chercher un boulot de merde de plus. Alors j'ai donné ma démission, j'ai récupéré mon dernier salaire, la caution de l'appartement et une belle carte de crédit toute neuve et j'ai planté une aiguille sur une carte du monde, décidée à partir là où elle tomberait, genre Paris, Calcutta, New York ou Dubaï.
C'est tombé sur Southampton.
Ça aurait pu être n'importe où et c'est tombé sur Southampton. Mais je me suis dit « c'est le destin - suis ton destin. Peut-être que le reste de ta vie commence là » et c'est comme ça que je me suis retrouvée à Southampton.
Pendant trois jours.
Le temps qu'il m'a fallu pour me dire « j'emmerde le destin » et je suis montée dans un train pour Paris.
Paris est un trou.
Désolée mais, c'est vrai, et il serait vraiment temps qu'on le dise.
La France c'est beau, je suis allée un peu partout en France et c'est quelque chose, mais Paris ? Vous appelez ça une mégalopole ? C'est Leeds avec des rues plus larges.» (Girls and Boys - Dennis Kelly)
«Je venais de passer quatre ans avec le même mec - six mois de passion suivis de six mois de disputes enflammées suivis de trois ans d'un lent déclin vers un ennui polaire, et quand on s'est enfin décidés à en finir, en mode exécution dans une arrière-cour, là il y a eu du sang, de la merde, des larmes et des récriminations pendant... ben, des mois en fait.
Ça n'a pas été joli.
Et c'est là que j'ai réalisé que j'avais 25 ans et que je n'avais eu en tout et pour tout que trois partenaires sexuels ; le premier juste pour une nuit, le deuxième pendant six mois et le dernier pendant quatre ans.
Alors j'ai rentré tout ça dans un tableur Excel et j'ai eu le choc de découvrir qu'à ce rythme-là j'allais rester avec mon prochain mec pendant 326 ans.
Alors j'ai décidé de changer de cap.» (Girls and Boys - Dennis Kelly)
Dans cette tragédie qui entend dénoncer la violence des hommes, la comédienne déploie une palette impressionnante, de l’humour incisif à l’urgence la plus noire.
C'est avant tout une prouesse de comédienne. France Bastoen se lance dans un corps à corps époustouflant avec le texte de Dennis Kelly. Sans aucun doute, sa performance fera date.
Le Soir - Catherine Makereel - 15/2/2023
Portés avec justesse par France Bastoen, les mots de Dennis Kelly nous emportent dans la violence d’un fait divers. En maître du suspense, l’auteur britannique éclaire les côtés les plus sombres de l’âme humaine.
Coup de chapeau à France Bastoen qui nous emporte dans le drame. On en sort secoué.
RTBF - François Caudron - 10/2/2022
On rit, on se détend, elle est drôle. Le jour où elle rencontre son futur mari, sa vie décousue prend une nouvelle tournure d’autant que professionnellement aussi, d’autres portes s’ouvrent à elle. France Bastoen déploie tout son talent dans ce monologue, passant du rire aux larmes avec une aisance inouïe. Elle réalise une performance touchante et convaincante.
La prestation de France va de pair avec le travail de Jean-Baptiste Delcourt, le metteur en scène. Quand ils en parlent, ils évoquent une « danse » commune, un travail fusionnel. Le texte comporte plusieurs niveaux de lecture. Il y a le fait divers, l’histoire de ce couple qui se termine en drame.
Il s’agit pourtant de l’histoire intime d’une femme. Enfin il y a le contrôle, contrôle de soi, contrôle des autres, et la perte de contrôle, aussi. Contemporain, direct et accessible, le théâtre de Dennis Kelly captive. En conclusion, tous les ingrédients sont réunis pour passer une soirée enrichissante, n’hésitez pas !
Demandez le Programme - Catherine Sokolowski - 11/2/2022
1
Quel spectacle magnifique ,d’une puissance gigantesque, une salle suspendue aux lèvres de la comédienne , le meilleur spectacle qu’il me fut donné de voir ces dernières années, France Bastoen est tout simplement phénoménale dans ce rôle, la fin dramatique m’a poussé à imaginer qu’elle avait vécu ce tel cauchemar, c’est tout dire, je ne puis en dire plus sans dévoiler la trame de ce spectacle hors norme, une seule en scène d’une force incommensurable, inouïe, magistrale, la mise en scène est sobre, la narration incisive, non sans humour est magnifique, le jeu de scène et le non verbal touchent la perfection. Un seul mot: FABULEUX. Du théâtre d’une telle facture: ENCORE |
2
Si vous en avez l'occasion, allez voir ce spectacle : monologue d'une femme dont la vie finit en tragédie mais qui parvient à la raconter sans tomber dans le mélo. Elle s'exprime magnifiquement avec tout son corps mais son visage et ses mains m'ont paru les plus expressifs. |
3
Tu nous laisses bouche bée, France. Tu es époustouflante, bouleversante dans cette pièce. Magnifique… Houx Valérie - vendredi 10 mars 2023 - |
4
Hier soir, il pleut. Journée un peu nulle. ordinateur. Listes en retard. 1000 choses. Je vais voir une amie au théâtre. On se connaît depuis …longtemps. On a fait nos premiers projets en Académie puis en professionnel ensemble. J‘Arrive tout juste. Je cours. Je suis fatiguée et quand la lumière de la salle s’éteint je me dis pourvu que ce soit bien car je suis nase et j’ai peur de m’endormir. Et puis je ne sais pas ce qui s’est passé… j’ai été transportée, touchée, secouée par ce petit bout de femme que je connais pourtant si bien… j’ai été bouleversée pour tout vous dire. Par le texte hyper percutant, par la mise en scène si juste, par l’acte théâtral si peu théâtral, ce quatrième mur brisé, ces mots dont on n’arrive pas à décrocher, cette actrice si… Cette actrice qui prend le risque de lâcher sa technique et d’être à nu devant nous. Une actrice d’une force et d’une fragilité mêlées remarquablement. Cette actrice, c’est mon amie France Bastoen. Courez voir Girls and boys Karin Clercq - jeudi 09 mars 2023 - |
Pas encore de galerie de photo sur ce spectacle
Pouvez-vous nous raconter la genèse du spectacle ?
Avec France Bastoen, on avait envie de travailler ensemble depuis un moment. Je la connaissais comme actrice et elle était venue voir mon premier spectacle, Par les villages. J’étais au Festival d’Avignon, je travaillais sur Final cut avec Myriam Saduis, et elle m’a appelé et m’a demandé si j’avais déjà lu le texte de Girls and boys, qu’elle venait de découvrir via Philippe Sireuil. Je connaissais bien évidemment Dennis Kelly, mais pas ce texte, qui est par ailleurs sa dernière pièce. Je cours dans une librairie je l'achète, et je la lis dans un coin de rue d’Avignon d’une traite. Le texte m’a fait l’effet d’un coup de poing dans le ventre. J’ai rappelé France tout de suite en lui faisant part de mon enthousiasme. C’était intéressant que cela parte du désir d’une actrice vers un metteur en scène. Nous sortons en ce sens un peu du schéma traditionnel et c’est une chose qui m’a beaucoup plu. De plus, ce n'est pas forcément le genre de matière que j’ai l’habitude de travailler donc j’ai trouvé que c’était un challenge intéressant.