Les commentaires après la première de Washington étaient excessivement variés. Ce qui permettra à l’entourage de Lloyd Webber, de justifier a posteriori la décision de ne pas présenter le spectacle à Broadway et de tout recommencer à Londres.
Le problème ne résidait pas dans le matériau même du musical (livret, musique, …) mais plutôt dans le traitement.
Le Washington Post était dédaigneux, sans équivoque possible: on y parlait sauvagement de «tuneless whistle» et de «burning but no fire».
Benedict Nightingale du The Times et Sheridan Morley du Spectator, qui ont tous deux fait le voyage jusqu’à Washington, étaient plus enthousiastes. La première a trouvé le spectacle attrayant, touchant et captivant, tandis que Morley a admiré les très beaux décors et un des livrets les plus déchirants jamais entendu. Cependant, Morley pense avoir identifié le problème de perception d’une partie du public qui s’attend à une luxuriance romantique à la Phantom, et se trouve face à un spectacle pessimiste plein de danger, d'intelligence et de cynisme.
C'était la première fois depuis très longtemps que Lloyd Webber créait un spectacle aux Etats-Unis. En fait, il ne l’avait qu’une seule fois, en 1971, avec la création mondiale de son tout premier grand musical, Jesus Christ Superstar.
On l’attendait au tournant, avec tous les dangers de malentendu, de confusion et de rejet pur et simple.
Dans son ouvrage sur Lloyd Webber, Michael Walsh a critiqué les scénaristes pour avoir confondu leur propre image historique de la Louisiane avec des données régionales incorrectes, et rejoint le critique du Washington Post en se moquant d’une partition qui a omis toute note de blues, de jazz ou de ragtime pour favoriser dans favoriser le rock et la country.
Mark Steyn, qui a toujours gardé un regard frais et équilibré sur l'œuvre du compositeur au fil des ans – même s’il n’omet pas de blâmer l’homme – admire la gravité du drame : «Un examen étonnamment vif du besoin de religion et de spiritualité dans les populations agricoles pauvres du sud.»
Steyn a également admiré l'ouvrage de Patricia Knop, a souligné les rires que bon nombre de numéros remportaient et saluait le retour de Lloyd Webber aux valeurs traditionnelles de théâtre musical – dans la division du travail entre le compositeur, le parolier et le librettiste – après des années passées à claironner les vertus des musicals tout en un. «Coupler le Wagner du rock avec le Puccini de la pop aurait pu être mortel» écrivait-il dans le Daily Telegraph. «Au lieu de cela, cela semble avoir affiné ces deux personnages. Lloyd Webber est revenu à ses racines plus rock – rappelons-nous Jesus Christ Superstar. Et les disciplines plus strictes de l'écriture théâtrale ont inspiré à Steinman ses meilleures créations depuis longtemps.»
Que ce spectacle ait été ou non un tournant, il a certainement été une tentative de faire quelque chose de nouveau, quelque chose de différent et certainement quelque chose d'inattendu. Les salles à Washington étaient pleines, et un bénéfice décent a été réalisé. Mais Lloyd Webber n'était heureux qu’à 70 pour cent avec ce spectacle, ce qui était environ 70 pour cent de plus que Jim Steinman.
Steinman trouvait que le spectacle était raté, car il était immobile et avait été casté à la hâte et négligemment. Selon lui, tout cela est arrivé parce que «toutes les personnes impliquées faisaient toutes beaucoup d'autres choses en même temps».
Nigel Wright estimait qu’«avoir une tante superflue vivant à la maison et s'occupant des enfants, enlevait tout le côté émotionnel d'une famille monoparentale qui lutte contre vents et marées. On perd l’aspect des enfants qui veulent que leur maman revienne et aussi celui du père qui veut une femme à la maison… Le jour où Andrew a été introduit à la Chambre des Lords [par Lord Owen et Lord Archer, auparavant David Owen, ministre des Affaires étrangères, et Jeffrey Archer, politicien et écrivain] Anthony Pye-Jeary et moi l'avons accompagné là-bas, après quoi nous sommes revenus chez lui dans sa ‘music room’. Nous nous sommes assis et avons écouté l’enregistrement de Sydmonton. Nous avons réalisé à quel point tout y était simple et dans quelle mesure à Washington tout avait été trop cuit et trop étiré.»
La Really Usefull Group – compagnie de Lloyd Webber – a remboursé complètement les investisseurs américains et a décidé de tout recommencer…