Comment naissent les nouveaux musicals?
Des compositeurs comme Puccini ou Richard Rodgers stockaient leurs mélodies pour une bonne occasion, en espérant que cela arriverait un jour. Le premier a toujours eu des problèmes avec ses librettistes. Le second a eu plus de chance et a travaillé avec deux collègues librettistes à long terme: Lorenz Hart et Oscar Hammerstein.
Le Hart de Lloyd Webber a été Tim Rice, avec un peu de Richard Stilgoe; son Hammerstein a été Don Black, avec l'appui de Charles Hart. Alan Ayckbourn et T. S. Eliot ont aussi mis leur grain de sel. Sa collaboration avec Jim Steinman sur Whistle Down the Wind a été la plus inattendue de toutes et l'histoire de leur projet a été tortueuse, même si elle a fini par triompher.
S'il y a bien un thème que l’on retrouve dans la majorité des œuvres de Lloyd Webber, c'est une quête et une aspiration à une dimension spirituelle de la vie. Il avoue entendre des cloches d'église dans le rock and roll, de la liturgie dans la frivolité et de l'agonie dans l'extase. Et dans les ballades épiques de Steinman Bat Out of Hell (album de Meat Loaf), on peut entendre une autre version de la même quête de spiritualité au-delà de la vie matérielle. Ces «power ballads», comme on les a appelées, parlent de traces de pneus et de cœurs brisés, d’évasions avec des couchers de soleil flamboyants, de messages d'amour et de mort, de rêves de rédemption et de souvenirs de disparitions.
Inspiré d’une autre version
En 1993, le National Youth Music Theatre, dont Lloyd Webber était devenu un mécène actif et le principal sponsor, a présenté une charmante version du roman de Mary Hayley Bell, Whistle down the Wind, au Festival d'Édimbourg.
Lloyd Webber a trouvé les paroles et la musique de Richard Taylor – un nouveau talent à l’époque – charmantes et totalement adaptées aux jeunes artistes. Le musical était très fidèle au film et au roman. Il l’a représenté au Lilian Baylis Theatre (la «petite salle» du Sadler's Wells) et a invité d’autres producteurs à y jeter un coup de œil. Rien ne s’est déclenché à l’époque, mais le musical a depuis été repris à de nombreuses reprises.
Il y avait une très belle ouverture du second acte où l’on assistait à une représentation de la scène de la Nativité dans une école, jouée en plein scepticisme du monde des adultes. Cette scène est un petit bijou d'arrangements pour les chœurs mais aussi dramatiques. On y retrouve très clairement l'influence de Stephen Sondheim. Par contre, certains airs romantiques décalés et certains moments de pur remplissage, sont moins convaincants.
Le thème central – comment les gens réagiraient si Jésus revenait? – était très bien traité, vigoureusement et sans aucun aspect sentimental. Cela serait fort différent dans la version de Lloyd Webber/Steinman, où Swallow, âgée de deux ou trois ans de plus (16 ans) que dans le roman ou la version de Taylor, et la plaçant dans un rapport tout différent – plus sentimental – avec le monde des adultes. Lloyd Webber sentait qu’il avait une autre voie à suivre et qu’il pouvait créer une version intéressante. Chose très importante, Richard Taylor et son librettiste Russell Labey n'avaient pas acquis les droits du roman mais seulement l'autorisation d’en tirer leur propre version. La porte était donc ouverte pour Lloyd Webber…