Geneviève Damas, Meilleur auteur 2004, pour "Molly à vélo"

Molly à vélo a obtenu le "Coup de Cœur" des Lycéens de Loire-Atlantique 2006. Il est finaliste du Prix Sony Labou Tansi 2006 et du Prix du Parlement de la Communauté française 2006.


« Molly à vélo », c'est du rire, des larmes, des mots en fleur. Geneviève Damas réussit un sacré tour (de France). La petite a déjà tout d'une grande.

C'est l'histoire d'une échappée belle. Geneviève Damas, jeune comédienne et metteur en scène de 33 ans, avait le stylo qui la démangeait depuis longtemps. Malgré sa personnalité aventureuse, elle restait sagement dans le peloton des acteurs, motus et bouche cousue. En juin 2002, coup de chaud, envie d'en découdre à la fin d'une saison morose : bille en tête, Geneviève Damas fonce vers l'écriture d'un monologue qu'elle semblait porter en elle depuis longtemps. Ce sera « Molly à vélo ». Mardi soir, au Festival de Spa, on avait envie de crier bravo sur la ligne d'arrivée.

C'est un texte plutôt rigolo, parce que la vie est parfois légère et insolite, nous avait prévenus la jeune plume (le « MAD » du 4 août). Tout porte à croire qu'un auteur est toujours un peu dépassé par ce qu'il écrit : ce solo a peut-être la légèreté de la poésie et le vent frais d'une balade à vélo, mais il porte très haut la puissance de l'émotion et des sentiments.

Au salon gris du casino de Spa, tout commence pourtant dans une certaine perplexité. Quand la comédienne débarque sur la petite scène vide, elle est déguisée en grosse bouteille d'Orangina. Plutôt culottée, la fille, se dit-on, tout en se demandant où l'on va. Geneviève Damas semble aussi chercher ses marques : sa langue galope, la sueur la gagne sous le costume jaune et son univers met du temps à s'installer. On regrette alors l'absence de décor pour la soutenir, on s'interroge sur l'émotion à venir.

Peu à peu, on découvre tout un petit monde, qui nous restera vissé au coeur une fois la salle rallumée. C'est que la demoiselle endosse une foule de rôles et de personnages, avec l'aide subtile d'un metteur en scène rompu à l'exercice - Pietro Pizzuti, qui a aussi aidé à la finalisation de l'écriture. A ce bal qui a la finesse des petits gestes s'ajoute la musique toute en dentelle de Jean-Philippe Collard, qui vient faire grandir le sourire ou gonfler les larmes.

A la tête de la galerie de personnages, Molly se détache, bien sûr : c'est la narratrice de l'histoire. Une petite jeune fille de quinze ans qui a des rêves plein sa musette. Elle ne veut pas travailler chez Carrefour, comme son papa, fan du général de Gaulle. Et elle ne veut pas devenir bigote, comme sa maman, trop prompte à dire amen à tout. D'un coup de pédale qui la mènera jusqu'à l'équipe de France cycliste, elle s'envolera de son petit village du Loiret, Saint-Péravy-la-Colombe, avec l'aide d'amis, d'aînés et d'un brin de chance - cette chance qui se provoque, c'est bien connu.

C'est une certaine foi dans l'avenir qui fonde le récit. Le point de vue pourrait paraître naïf ou idéaliste. Mais qui a dit qu'on ne pouvait pas rêver encore un peu ? Et puis, ce moteur de joie mène à d'autres sentiments, développés par l'enchâssement des personnages. Molly a une amie de coeur, Martine, dite Titine, dont elle devra faire le deuil. Elle croise aussi Michel et Dominique, ses parents, ainsi qu'une série d'adultes qui la feront avancer ou reculer, au milieu d'une communauté qui pourrait être de partout - même si elle est française.

Comme nous, Molly a parfois envie de descendre de selle, mais quelque chose la pousse à se dépasser elle-même et à croire en ses jarrets. Sous couvert d'une aventure sportive, c'est un récit de courage, d'amitié et d'amour qu'a signé la jeune comédienne. Une histoire aux airs de fable éternelle, qui nous laisse frappés d'émotion et d'humanité.·

Le Soir - 12/8/2004 - Laurent Ancion

Retour à la page précédente