La trentième tournée des Châteaux
avec la pièce fondatrice du théâtre de Feydeau!

Qu’est-ce qui fait courir les personnages de Monsieur chasse! ? Qu’est-ce qui les fait s’emberlificoter dans les quiproquos, les mensonges de plus en plus énormes, les coups de théâtre dont le dénouement final laisse spectateurs et personnages abasourdis ? Le désir...


Feydeau fait mouche avec « Monsieur chasse » et les Galeries

Grand chouchou de l'été, le vaudeville fait souvent les délices du plein air. La saison des amours serait-elle propice à ce genre de frivolités ? Avec ses batifolages et ses cocasseries d'amants, Feydeau figure sans conteste au hit-parade des amuseurs saisonniers. Pourtant, le trio rocambolesque du mari, de la femme et de l'amant, on connaît par coeur. Mais force est de constater que, dans les mains expertes la Compagnie des Galeries, l'amour volage continue de faire rire. Raison de plus pour le prendre au sérieux.

Pour sa trentième « Tournée des châteaux », toute l'équipe de Bernard Lefrancq s'en est allée traquer la comédie classique avec « Monsieur chasse », comédie créée en 1892. Menée tambour battant au château du Karreveld, mardi soir, cette chasse croisée entre faux gibier et vraies cocottes donne lieu à un joyeux chassé-croisé de quiproquos. Costumes pimpants, distribution musclée et mise en scène alerte : Feydeau fait mouche.

Prétextant d'aller « tirer la biche » dans le château de son ami Cassagne, Monsieur Duchotel se rend en fait chez sa maîtresse au 40, rue d'Athènes. Quand sa femme, Léontine, découvre le pot aux roses, elle décide de se venger. Pendant que monsieur pince les cocottes, madame veut pincer son mari. Pour ce faire, elle accepte le rendez-vous galant du docteur Moricet... à la même adresse ! Très vite, la mécanique diabolique se met en marche selon des moyens certes éprouvés mais drôlement efficaces : fauteurs pris sur le fait (ou manqués de peu), amants bloqués dans un placard, cocufieurs s'évertuant pathétiquement à faire diversion. Les portes claquent, les hommes en veston et caleçon traversent la pièce au pas de charge. Tout le talent de Bernard Lefrancq consiste à jouer le jeu en respectant à la lettre les ressorts diaboliquement agencés de l'intrigue. Le metteur en scène jubile à faire courir tout ce beau monde au milieu des décors primesautiers de la cour du château. Dans les costumes de Jean de Vuyst rameutant la Belle Epoque, les comédiens trouvent leur place comme l'ensemble logique d'une incohérence magistralement orchestrée.

Formidable pince-sans-rire, Pierre Pigeolet, en docteur Moricet et dindon de la farce, jette à merveille de l'huile sur le feu de ce vaudeville ardent. Michel Poncelet campe un Duchotel odieux et grossier, mais drôle jusque dans ses dénégations. Les femmes aussi sont épatantes malgré ce qu'en pense la gent masculine. La naïveté feinte de Léontine colle parfaitement à Perrine Delers tandis qu'Angélique Leleux en comtesse de Latour déchue fait exploser la salle en contant ses amours de jeunesse.

De même que les portes, les répliques claquent avec rythme et netteté, même si le rire se heurte parfois au machisme désuet de l'époque, tel un plomb dans la chair tendre du gibier. Si la moitié féminine du public grogne à certains passages (« Ce n'est que lorsque la femme ne sait plus ce qu'elle dit qu'on peut être sûr qu'elle dit ce qu'elle pense »), tous rient de bon coeur.

Le Soir - 18/8/2005 - Catherine Makereel

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