Un hymne à la tolérance et à la vie
servi par une magistrale interprétation
d’Itsik Elbaz et de Janine Godinas

Le chef d'oeuvre de Romain Gary, récompensé d'un Goncourt en 1975, est un hymne à l'amour, un éloge à la vie pour tous ceux qui pensent que quels que soient les aléas de l'existence, d'où qu'on soit, où qu'on aille, on a toujours la vie devant soi.


La vie devant soi, c’est l’histoire d’une supercherie littéraire celle d’un auteur, Romain Gary, qui changea de nom (devenu Emile Ajar) pour obtenir un 2è Prix Goncourt. C’est surtout un hommage à la Mère (juive et prostituée ici) et un plaidoyer un peu optimiste sur un possible dialogue judéo-arabe.

Ce roman, Prix Goncourt 1975, fut déjà transposé au cinéma en 1978, avec l’inoubliable Simone Signoret, dans le rôle-titre de Rosa, la «mère» juive, ex-prostituée au grand cœur.

Au Théâtre Le Public, la mise en scène de Michel Kacenelenbogen s’appuie sur deux interprètes idéaux, une très grande Jeanine Godinas, incarnant Rosa, sensible et vacharde, selon les cas, et Itsik Elbaz qui, dans le rôle de Momo, incarne, sans invraisemblance, à 34 ans, ,un narrateur adulte et un gamin de 10 à 14 ans, selon l’imagination de sa roublarde mère adoptive. Un duo épatant, jouant avec naturel et conviction ce joli mélo, bâti sur les bons sentiments et la croyance en un possible dialogue entre juifs et musulmans, dans le respect, la bonne humeur et même l’amour. Une jolie utopie, surgie d’un siècle des lumières bien oublié, un peu à la manière de Nathan le Sage de Lessing, qui faisait dialoguer catholiques, juifs et musulmans en plein Jérusalem, au Moyen Age. Ici on est en plein Paris du XXè siècle. Et le débat est plus sentimental que philosophique. Rosa est une vieille prostituée juive sans enfant mais qui en a adopté une ribambelle, dont son favori, le petit Mohammed, dit Momo, confié par l’Assistance publique pour en faire un bon petit musulman. L’enfant- né d’une prostituée musulmane assassinée par son «mac»…musulman …déclaré fou (et re-mélo, dans le mélo)- Momo donc vit une vie paisible, idyllique, baigné de tendresse rugueuse. Quand surgit le père, sorti de l’asile, Momo accepte sans broncher le mensonge de Rosa, qui le baptise Momo/Moïse pour le sauver des griffes d’un père dont il ne veut plus. Autre morceau d’anthologie, très bien agencé: la mort de Rosa, dont le médecin, ici l’excellent Benoît Van Dorslaer hésite à faciliter l’euthanasie.

Au total une intrigue sentimentale, avec des répliques «à la française» qui font mouche sur un public conquis d’avance. Momo «Moi, le bonheur, je vais pas me lancer là-dedans, avant d’avoir tout essayé pour m’en sortir» Ou encore: «On peut tout faire avec les mots et même être plus fort qu’en tuant des gens». Lieux communs? Peut-être mais au temps des «identités meurtrières», un brin d’optimisme ne nuit pas à l’atmosphère.

RTBF - Cfhristian Jade - 28 septembre 2011

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