" Michel Kacenelenbogen fait palpiter cette histoire simple et belle "
La libre Belgique - Philip Tirard

Ce spectacle est l'un de nos plus beaux coups de cœur. Il s'agit bien sûr de l'un des textes les plus poignants d'Eric-Emmanuel Schmitt mais ce qui nous semble fantastique, c'est que, malgré l'émotion omniprésente, l'on passe son temps à rire. On doit cette alchimie réussie à deux artistes: Michel Kacenelenbogen, le comédien, et Olivier Massart, le metteur en scène.


Extrait du texte "Monsieur Ibrahim ou les fleurs du Coran"
Publié aux éditions Albin Michel

On a fini dans les jardins secrets du Palais Royal où là, monsieur Ibrahim m'a payé un citron pressé et a retrouvé son immobilité légendaire sur un tabouret de bar, à sucer lentement une Suze-anis.

Je le regardais savourer sa Suze-anis.
- Je croyais que les musulmans, ça ne buvait pas d'alcool.
- Oui, mais moi je suis soufi.

Bon, là, j'ai senti que je devenais indiscret, que monsieur Ibrahim ne voulait pas me parler de sa maladie – et après tout, c'était son droit - ; je me suis tû jusqu'à notre retour rue Bleue.

Le soir, j'ai ouvert le Larousse de mon père. Fallait vraiment que je sois inquiet pour Monsieur Ibrahim, parce que vraiment, j'ai toujours été déçu par les dictionnaires.

"Soufisme: courant mystique de l'islam, né au VIIIème siècle. Opposé, au légalisme, il met l'accent sur la religion intérieure." Voilà, une fois de plus! Les dictionnaires n'expliquent bien que les mots qu'on connaît déjà.

Enfin, le soufisme n'était pas une maladie, ce qui m'a déjà rassuré un peu, c'était une façon de penser - même s'il y a des façons de penser qui sont aussi des maladies, disait souvent Monsieur Ibrahim. Après quoi, je me suis lancé dans un jeu de piste, pour essayer de comprendre tous les mots de la définition.

Bref de tout ça, il ressortait que Monsieur Ibrahim avec sa Suze-anis croyait en Dieu à la façon musulmane, mais d'une façon qui frisait la contrebande, car "opposé au légalisme" et ça, ça m'a donné du fil à retordre…

Et puis les gens du dictionnaire ajoutaient que le soufisme avait été crée par deux mecs anciens, al-Halladj et al-Ghazali, qu'avaient des noms à habiter dans des mansardes au fond de la cour - en tout cas rue Bleue - et ils précisaient que c'était une religion intérieure, et ça, c'est sûr qu'il était discret, monsieur Ibrahim, rapport à tous les juifs de la rue, il était discret.

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