Madame Sans-Gêne...
… une femme du peuple à la cour de Napoléon.

Cette pièce de Victorien Sardou , créée le 27 octobre 1893 au théâtre du Vaudeville de Paris, est considérée comme l'une des œuvres les plus populaires du répertoire théâtral. Le personnage de madame Sans Gêne s'est imposé d'emblée à la création en 1893 grâce à sa créatrice, la grande comédienne Réjane, qui joua le rôle durant toute sa carrière. D'autres actrices célèbres du théâtre s'y illustrèrent par la suite, comme dans des adaptations au cinéma: Gloria Swanson, Arletty et Sophia Loren.
La pièce fut reprise au théâtre Sarah-Bernhardt en 1957 avec un trio d'acteurs fabuleux: Madeleine Renaud, Jean-Louis Barrault et Jean Desailly.


Il faut dire qu'avec un tel caractère et des manières si peu protocolaires, Madame Sans-Gêne (née Catherine Hubscher), comme l'avait surnommée Napoléon, avait de quoi faire enrager toutes les belles de la Cour! Ses origines modestes et travailleuses, étant fille de bûcheron alsacien puis orpheline, faisaient qu'elle n'était guère intimidée face aux Comtesses ou aux Duchesses.

En effet, très tôt, la petite Catherine apprend à travailler pour une famille de teinturiers qui avait osé se lancer dans les toiles indiennes, ce qui deviendra une formidable industrie en Alsace. Un des fils de la famille Koechlin, Samuel, épouse une certaine Elisabeth Hofer et le couple s'installe à Wesserling, y développant le textile et la chimie. Un de leurs nombreux enfants, Hartmann Koechlin lance une cotonnière à Willer.

Le coton est difficile à travailler c'est ainsi que Catherine Hubscher, fille d'un pauvre bûcheron du coin, née à Goldbach-Altenbach dans le Haut-Rhin, en Alsace, en 1753, est employée à l'âge de 11 ans pour battre le linge. Elle est robuste même si son caractère laisse à désirer et elle n'a vraiment pas de bonnes manières. Peu importe, elle travaille bien et le couple Koechlin en est content. Hélas, son père, puis sa mère décèdent mais son frère aîné a quelques relations à Paris.

Agée de 26 ans, la voilà débarquée dans la capitale pour travailler en tant que repasseuse et blanchisseuse, boulevard Poissonnière. Dans sa lingerie, elle rencontre François-Joseph Lefebvre, un caporal-chef d'origine alsacienne comme elle, qui, après avoir été garde-champêtre, s'est engagé dans l'armée. Ils se marient le 1er mars 1783 alors que Lefèbvre est devenu Sergent.

En 1789, François-Joseph intègre la Garde Nationale de Paris en tant que lieutenant et protège la famille royale lors de leur fuite à Saint-Cloud. François-Joseph Lefèbvre s'illustre ensuite dans quelques batailles : il est finalement nommé Général de brigade en 1793. Ses faits d'armes sont remarquables ce qui n'échappe pas à Bonaparte. Dès lors, Lefèbvre ne quittera plus le futur Empereur. Il participe ainsi au 18 brumaire et chasse les députés.

Napoléon le nomme sénateur en 1800 puis Maréchal d'Empire en 1804. Il est de toutes les batailles, dont Iéna et il prend Dantzig avec un courage exemplaire. En récompense, Napoléon le nomme Duc de Dantzig.

Catherine est donc, elle aussi, Duchesse de Dantzig. Toute la cour napoléonienne se moque d'elle et de son franc-parler mais elle n'en a cure, étant la plus fidèle des fidèles à son mari et à son empereur. Catherine Hubscher ne change d'aucune manière bien que ses 14 enfants meurent les uns après les autres. Bien que Duchesse et qu'elle vive désormais dans un superbe château, rien ne peut l'arrêter. Elle soutient son mari corps et âme et ne s'empêche pas de critiquer l'Empereur ouvertement, en s'adressant à lui directement, ce qui a le don... d'insupporter Napoléon ou de l'amuser et ce, d'autant plus qu'elle s'attire les foudres de Talleyrand avec une gouaille pleine de répartie qui désarçonnait le plus intelligent des diplomates. Personne n'osait s'élever contre Talleyrand, à part Catherine Hubscher, la blanchisseuse.

Napoléon la défendra toujours contre les nobles de son royaume, même si la Maréchale gardait son franc-parler avec tout le monde, y compris avec lui, l'Empereur. Lefebvre, après des années de bons et loyaux services, décède en 1820 et son corps est transféré au cimetière du Père-Lachaise. Son épouse repose près de lui.

Pourquoi ce nom de Madame Sans-Gêne ? Bien après la mort de Catherine Hubscher, un jeune auteur s'est passionné par cette histoire: Emile Moreau va immortaliser Catherine la Blanchisseuse en s'inspirant de la vie d'une autre héroine de l'époque, Thérèse Figueur qui avait combattu dans l'armée napoléonienne sous le nom de «Madame Sans-Gêne», ainsi surnommée par les soldats.

Catherine meurt en 1835 à 84 ans et reste un personnage emblématique, représentant la simplicité, l'humanité, le courage et la fidélité à toute épreuve.

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