Il était une fois Marianne, une jeune fille
qui rêvait d'une autre vie…
"Rien ne donne autant le sentiment de l'infini que la bêtise"
Des gens simples qui rêvent, qui s'aiment, qui souffrent, qui se trahissent …
La vie, tout simplement
La question qui brûle les lèvres à l'annonce de la programmation de cette pièce cet été au Karreveld est "POURQUOI ?". Pourquoi cette pièce au long titre énigmatique, pourquoi cet auteur quasi-inconnu du grand public dans ce lieu qui a désormais une tradition populaire (au sens noble du terme)? La réponse est dans la question.
En effet, si d'un point de vue marketing von Horvath sonne comme un intrus au milieu de Shakespeare, Rostand, Marivaux et Molière (les autres productions de Bulles au château), Les Légendes de la Forêt Viennoise s'insère dans le Festival avec une complémentarité étonnante de par sa vocation de parler du peuple et au peuple et de lui transmettre un message d'une brûlante actualité.
Car von Horvath dans toute son œuvre, et particulièrement dans les Légendes, dénonce la montée du fascisme, ou plus exactement les dangers que font peser sur l'Autriche, l'Allemagne et l'Europe une certaine bêtise nationaliste et un certain esprit petit-bourgeois. La pièce a été écrite entre 1928 et 1930.
von Horvath n'est pas un auteur militant, mais on sent en lui une nette ten-dance pacifiste, et un refus viscéral de la bêtise intolé-rante, du conservatisme, du chauvinisme, et des cou-rants de droite allemands et autrichiens. Loin des allégo-ries souvent limpides de Brecht, von Horvath utilise un autre biais pour exprimer ces idées et provoquer chez le spectateur le choc et la prise de conscience nécessaires à la sauvegarde des idées de tolérance: la bêtise, l'égoïsme, la néga-tion des différences, toutes ces tares de la société se trouvent dans chaque personnage.
Ici, pas de discours politique, pas de mouvement de masse; simplement une confrontation de personnages aveuglés par leurs conceptions simplistes ou leur morale rigide, et la démonstration quasi-mathématique de ce à quoi mènent ces comportements. Ici, pas d'idées brandies ou de drapeaux défendus, mais une leçon humaine de tolérance au quotidien, une leçon de citoyenneté simple.
Cette pièce a le pouvoir, si le théâtre a gardé quelque pouvoir sur nous - ce que j'espère, de nous éloigner de la haine, de nous éclairer sur la stupidité de tous ces jugements à l'emporte-pièce qui inondent notre quotidien, de nous pousser à voter au premier tour quand il en est encore temps. Avec humour, sans nous donner de leçon, Horvath nous parle de nous, et nous montre combien 1930 et 2002 sont proches.
C'est pourquoi la mise en scène s'efforcera de souligner cette humanité des personnages qui les rend si semblables à nos contemporains en se basant essentiellement sur le jeu des comédiens. "L'emballage ", les images de mise en scène, la musique, ne seront que des outils supplémentaires pour renforcer l'essence de la pièce : les rapports entre individus. Plutôt que souligner la dimension historique (l'Autriche en 1930, avec l'avenir qu'on lui connaît), la mise en scène établira une passerelle entre l'actualité des personnages et la nôtre, sans trop craindre les anachronismes. Ces hommes et ces femmes ne sont pas nécessairement ailleurs et à un autre moment, et l'extrême droite ne sévit pas que dans les manuels d'histoire.
Voilà pourquoi nous montons Les Légendes de la Forêt Viennoise au Karreveld : nous avons la prétention de croire que c'est utile.