Toute la légèreté comique et satirique d'un Labiche,
qui nous fera revoir notre grammaire.

Pour répondre à un article d'Émile Zola qui ne lui reconnaissait qu'une qualité, celle d'être un "rieur", Eugène Labiche écrivit: "Je trouve que vous avez parfaitement caractérisé la nature de mon talent (si talent il y a) : je suis un rieur. Quelques-uns voient triste, moi, je vois gai, ce n'est pas ma faute, j'ai l'œil fait comme ça. Je n'ai ni à m'en applaudir, ni à m'en excuser. J'ai beau faire, je ne peux pas prendre l'homme au sérieux, il me semble n'avoir été créé que pour amuser."


Fils d'un riche industriel, il fit ses études secondaires au Collège Bourbon, futur Lycée Condorcet. Après le baccalauréat, il réalise un long voyage en Italie durant lequel il écrit La Clef des champs, paru en 1839 et qui sera son seul roman. Il commence alors une production boulimique qui compte quelques deux cents pièces, presque toujours écrites en collaboration, avec notamment Auguste Lefranc, Marc-Michel, Adolphe Choler, Edouard Martin, Alfred Delacour, ou encore Emile Augier, et qui furent jouées au Palais-Royal, au Gymnase, aux Variétés, aux Bouffes-Parisiens, ou à la Comédie-Française.

En fait, à ses débuts, Eugène Labiche tâtonne, cherche son style, accumulant les comédies en un acte : Le Major Cravachon, Un jeune homme pressé, Un garçon de chez Véry, Embrassons-nous Folleville ! ... toutes s'apparentent au genre à la mode, le vaudeville. Mais déjà en 1851, il écrit Un Chapeau de paille d'Italie, première comédie en cinq actes saluée comme " une trouvaille de génie ". On y retrouve ce célèbre motif de la course-poursuite, de la chasse tumultueuse et endiablée à l'objet ou à l'être perdu.

Avec la création du Baron de Fouchevif, en 1859, apparaît le personnage du bourgeois pansu et crédule. Le vaudeville en un acte évoluera alors vers la grande comédie de moeurs et de caractère, Le Voyage de Monsieur Perrichon (1860), La Poudre aux yeux (1861), La Station Champbaudet (1862), La Cagnotte (1864), Le plus heureux des trois (1870), Le Prix Martin (1876) et bien d'autres. Égocentrisme, vanité, cupidité, infidélités conjugales, hypocrisies en tous genres sont désormais les vices déclinés dans ces comédies en plusieurs actes dont les couplets chantés sont progressivement réduits.
La respectabilité artistique et sociale de l'auteur va croissant : en 1861, Labiche entre au répertoire de la Comédie-Française avec Moi, une comédie sur l'égoïsme, et est élu à l'Académie française en 1880. Il a écrit sa dernière comédie, La Clé, en 1877. Lorsqu'il édite, en 1878, à l'initiative d'Émile Augier, son Théâtre complet, qui ne comporte en réalité qu'un tiers des 173 pièces écrites par Labiche et ses collaborateurs, le succès est immédiatement au rendez-vous.

Son œuvre reste la réalisation exemplaire du vaudeville qu'il fait tendre jusqu'aux limites de l'absurdité. Ses pièces fourmillent de sous-entendus, d'inventions cocasses, de coups de théâtre, et jamais cependant elles ne cessent de donner une parfaite impression de naturel.

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