Pierre et Marie Curie vont découvrir successivement
la radioactivité, le radium et … l'amour.

Une pièce de théâtre dans laquelle Pierre et Marie Curie sont les protagonistes, qui se déroule dans un laboratoire, ayant pour thème la découverte de la radioactivité et qui en plus soit une folle comédie. Voilà ce que Jean-Noël Fenwick rêvait d’écrire avec «Les Palmes de Monsieur Schutz». Les 11 nominations aux Molières, de nombreux prix et surtout 6 ans de représentations ininterrompues à Paris montrent qu’il a totalement réussi don pari.


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LE LABORATOIRE de l'Académie des sciences dirigé par Monsieur Schutz sent «les fonds de sandales». II ne va tarder à fleurer bon le goulasch à la polonaise. C'est là que travaille, dans des conditions aussi chiches que spartiates, Pierre Curie, jeune chercheur intègre, tout dévoué à la science, entre un poêle à charbon vide, deux tabourets et un potentiomètre. Là que sera découverte la radioactivité. Mais pour l'heure la seule pression qui pèse sur les épaules de Pierre Curie et de son collègue Bémont — dit Bichrome à cause de la couleur dépareillée de sa chevelure et de sa barbiche — est de découvrir quelque chose, peu Importe quoi, qui puisse valoir ä Schutz les palmes de l'Académie.

Dans le décor de Xavier Rijs, stylisant parfaitement les anciennes verrières ternes des labos confinés, Laurent Renard (Pierre Curie) arrive emmitouflé, nous sommes en plein hiver, suivi par Bichrome (Gerald Wauthia), son contraire, moins féru de recherches pures que de sciences appliquées, sonnantes et trébuchantes. Malgré l'amitié, la tension est perceptible entre ces deux conceptions des vertus du positivisme, et voilà qu'on leur colle une étudiante polo¬naise, fagotée comme une vieille fille et baragouinant mal le français, une Marie (Colette Sodoyer) au nom imprononçable. Mais hyper douée. Sur ce fond historique, reprenant les vraies personnalités des protagonistes, Jean-Noël Fenwick compose une comédie enlevée, tout en fraîcheur et en drôlerie. Sur le mode du gai savoir, le public perçoit entre deux rires des questions fondamentales, sur la notion de progrès et de ses dérives, sur l'indépendance de la recherche, sa résistance à l'obligation de servir des desseins commerciaux, d'autres encore sur la précarité de sa condition, la relativité du savoir sans cesse remis sur le métier à la lumière de nouvelles découvertes.... Et surtout, le plaisir des spéculations intellectuelles. Récompensée à sa création en 1990 à Paris par onze nominations aux Molière, la pièce, montée cette fois par Jonathan Fox avec une belle distribution, ravit sur tous les plans. Michel Hinderyckx est un Monsieur Schutz parfait de suffisance, directeur sadique soucieux de sa carrière, flanqué d'un recteur incompétent (Pierre Plume), qui chez Hergé serait grand consommateur de caramels mous.

Par la grâce de la forte personnalité de Marie, Pierre Curie découvrira pêle-mêle l'amour, les propriétés de l'uranium, la résistance, les joies du vélo et la paternité. Le public frémit de voir la nounou (savoureuse Françoise Orianne) porter la petite Irène (future grande scientifique) au milieu de kilos d'uranium…. On reste pantois devant le polonais de Colette Sodoyer qui sur scène a le charme, la trempe et à la vivacité d'esprit de Marie Curie. On savoure la transformation du génie français mal dégrossi Pierre Curie, sous les traits (y compris de vodka) de Laurent Renard. Et la bonhomie, l'appétit de vivre de Bichrome (Gerald Wauthia). Rayonnante cela va de soi, irradiante comme de juste, effervescente, on l'imagine, cette comédie devrait ravir les chercheurs du FNRS et du CNRS réunis tout autant que le public, conquis par ce spectacle familial joue dans un esprit de proximité, de tréteaux.

L'Echo - 29/7/2004 - Sophie Creuz

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