La vraie vie de Sissi

Une impératrice solitaire qui se bat pour l'amour - Une femme passionnée qui risque tout pour la liberté
Le musical ELISABETH retrace la vie de l'Impératrice Elisabeth - la légendaire et mythique Sissi - de ses 15 ans à son assassinat à Genève en 1898. Son histoire nous est racontée sans complaisance par son assassin, l'anarchiste Luigi Lucheni. L'histoire fascinante de cette femme qui a cru qu'il lui était possible d'être libre tout en étant l'impératrice de l'Empire austro-hongrois, ce grand bateau qui n'allait pas tarder à sombrer.

★★★★★ Douze millions de spectateurs dans le monde


«Le monde est un bateau. Et le bateau coule»


Créer une comédie musicale nécessite non seulement un travail de longue haleine (au minimum deux ans de préparation) mais aussi un certain nombre de compromissions car obtenir les droits d’une pièce, c’est se plier à des règles drastiques. Y compris accepter que les ayants droit débarquent à la première et décident de tout annuler. « Pour Sunset Boulevard, la clause numéro 2 du contrat stipulait que si l’équipe d’Andrew Lloyd Webber n’aimait pas notre version, ils pouvaient tout arrêter sans dédommagement », se souvient Oliver Moerens, co-producteur du festival Bruxellons.

Pour Elisabeth , cette forme de « contrôle-qualité » s’est faite bien plus en amont encore. « Le Vereinigte Bühnen Wien (VBW) a eu une mésaventure à Broadway avec Le Bal des Vampires (de Jim Steinman et Michael Kunze, tiré du film de Roman Polanski, NDLR) qui s’est retrouvé complètement dénaturé, explique le producteur. Depuis lors, ils verrouillent les choses. » Tout a commencé il y a trois ans, quand Bruxellons a demandé les droits de la pièce au VBW, tout en envoyant un DVD de My Fair Lady , leur production précédente, pour les convaincre. « On a deux options, soit on demande de faire un réplica, c’est-à-dire qu’on part de la mise en scène d’origine pour la refaire chez nous, soit on demande de faire notre propre mise en scène, ce qui a été notre démarche. » Une fois les droits acquis, l’équipe lance la traduction de la pièce, un travail monumental car il faut tout adapter en s’assurant que la pièce reste chantable dans une langue très différente.

Oser la cacophonie
Le VBW s’est ensuite invité, par visioconférence, au sitzprobe – ce moment où l’orchestre et les chanteurs, qui ont jusque-là travaillé séparément, se rassemblent pour répéter – dans la grange du Château du Karreveld. « Ça a duré dix heures car Michael Römer (directeur musical du VBW, NDLR) discutait de chaque chanson, de chaque intention. Il trouvait par exemple que c’était parfois trop « joli », que nous, francophones, avions une passion pour la beauté du chant mais que, lorsqu’on a une manif, ou une réunion discordante, où les gens crient, il faut assumer que ce soit plus dissonant, oser la cacophonie. C’était fascinant car il a dirigé Elisabeth des milliers de fois et il connaît l’œuvre parfaitement. » Le directeur musical est ensuite venu assister aux dernières répétitions, pendant trois jours, ajoutant de nouveaux commentaires, sur la balance-son notamment, et saluant la qualité exceptionnelle des voix. Deux autres représentants du VBW viendront encore cette semaine pour une validation finale.

« On conserve une liberté artistique mais on doit respecter l’œuvre », analyse Oliver Moerens. « ll n’est pas question qu’Elisabeth soit seins nus et se mette à faire des claquettes mais on peut discuter de beaucoup de choses. Là où le personnage de la Mort, par exemple, est normalement en costume d’époque, nous voulions quelque chose de plus contemporain. » Ce qui donne, à Bruxellons, une sorte de rockeur intemporel grâce à l’électrique Kaplyn. Même chose avec le personnage du narrateur (qui joue aussi l’anarchiste assassin de Sissi) qui trouve en la personne d’Antonio Macipe une présence savoureusement indisciplinée. Alors que l’équipe de Bruxellons se penche déjà sur le « musical » de l’été prochain – un West Side Story qu’ils souhaitent plus moderne que les versions archi connues – une incertitude plane toujours sur le futur : « Si nous n’obtenons pas de contrat-programme en 2023, ce n’est pas sûr qu’on continuera », soupire Oliver Moerens, fatigué du manque de reconnaissance local, tandis que leur renommée a dépassé les frontières : ils ont reçu cette année un Trophée d’honneur aux Prix de la Comédie musicale à Paris.

Catherine Makereel - Le Soir - 13 juillet 2022

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