EVENEMENT! Création mondiale en français
Don't cry for me Argentina!

Après le triomphe que vous avez réservé en 2015 à "La Mélodie du Bonheur", le Festival Bruxellons! créra à nouveau l'événement en proposant cet été à Bruxelles la Création MONDIALE en Français de "Evita", la célèbre comédie musicale retraçant la vie légendaire de Eva Peron. Toutes les histoires fantastiques racontées au sujet d’Eva Perón ne sont pas toutes vraies; mais toutes pourraient être vraies – elle était une femme extra-ordinaire. Quiconque écrit à son sujet n'a nul besoin d'exagérer pour donner un peu de couleur à son travail; le plus simple récit de sa courte vie contiendra suffisamment de matière pour faire froncer le plus sophistiqué des sourcils.


Confortés par le succès de "La Mélodie du Bonheur" l'an dernier, les trois compères du festival Bruxellons remettent le couvert avec davantage d'ambition. Daniel Hanssens, Jack Cooper et Olivier Moerens, tous les trois amoureux du "musical" à l'anglo-saxonne, placent la barre un peu plus haut avec une création mondiale en français, pour le succès planétaire "Evita", créé par Andrew Lloyd Weber et Tim Rice. Excusez du peu.

"Notre pari de l'an dernier était réussi. On essaye de le transformer cette année pour faire connaître davantage les comédies musicales à l'anglaise à un public francophone, comme elles le sont en Flandres", signale Daniel Hanssens.

Après la "Mélodie du Bonheur", "Evita" marque un grand écart pour les producteurs. Une trentaine de chanteurs-danseurs, onze musiciens, des décors imposants et surtout des tableaux qui se succèdent sans transitions jouées mais uniquement chantées. "Cela peut sembler plus difficile pour le public francophone, mais c'est une autre façon de raconter une histoire", précise Hanssens. Et de fait, passé un temps d'adaptation, les chansons et les passages de transition se succèdent avec fluidité.

L'expérience acquise dans "La Mélodie..." a permis au trio d'obtenir les droits pour cette première adaptation. Et ce n'était pas une mince affaire. Question de musicalité des langues. Olivier Moerens a travaillé sur la traduction-adaptation du texte de Tim Rice pour que Julie Delbart remette ce texte sur la musique d'Andrew Lloyd Weber, en trouvant les bons accents et le bon rythme.

Pas moins de 29 chanteurs et danseurs animent le gigantesque plateau sur une mise en scène conjointe de Daniel Hanssens et Jack Cooper et des chorégraphies de Joëlle Morane.

Les cinq chanteurs principaux sont sortis d'un casting pointu. Debora De Ridder, star des plateaux musicaux en Flandre mais à peu près inconnue en Francophonie, incarne une Evita très convaincante. Tour à tour, envoûtante et rongée d'ambition, charmeuse et avide de pouvoir, elle donne vie à Eva Duarte, la putain devenue la Madone du peuple argentin après son mariage avec Juan Peron. Sa voix est à la hauteur du personnage, juste un peu grave peut-être pour donner les frissons que l'on attend dans LE tube de la comédie: "Ne pleure pas pour moi Argentine (Don't cry for me, Argentina)". A ses côtés Steven Colombeen joue les trublions. Son personnage du Che (même si Evita et Guevara ne se sont jamais rencontrés) est le contre-pied du peuple argentin, celui qui refuse la pensée unique et qui montre les travers de la "Madone" Evita.

De très bonne tenue, ces deux chanteurs ne peuvent masquer une nette pointe d'accent néerlandophone. Sans doute regrettable pour une création mondiale en français et malgré une sélection parmi plus de 500 candidats. Mais c'est le résultat d'un manque de formation francophone spécifique à ce type d'exercice constate la production...

Philippe d'Avilla (Juan Peron) et Antonio Interlandi (Magaldi, le premier amant de Eva Duarte), tiennent la rampe. On retiendra encore la très belle voix de la jeune Maud Hanssens (la jeune maîtresse de Peron évincée par Evita), dont la seule chanson est un ravissement aérien.

Ne boudons pas notre plaisir, cette création mondiale en français est tout à fait à la hauteur des attentes surtout lorsqu'on sait que les budgets de la production du festival Bruxellons se passent de tout subside public.

Laurent Fabri - L'Echo - 23 juillet 2016

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