Pie Tshibanda compare la modernité occidentale et les traditions africaines avec leurs problèmes respectifs.

Pour son deuxième spectacle, Pie Tshibanda compare la modernité occidentale et les traditions africaines avec leurs problèmes respectifs. Après le succès phénoménal de son premier spectacle, le "fou noir" débarque à nouveau sur la scène du pays des Blancs, avec de nouvelles histoires à raconter!


Le cercle grandissant des fans de Pie Tshibanda peut se réjouir : après avoir sillonné la Francophonie depuis le Québec jusqu'à Kinshasa avec son attendrissant « Fou noir au pays des Blancs », voici que notre héros congolais pose à nouveau ses valises dans nos contrées pour la suite, très attendue, de ses explorations socio-ethnologiques.

Depuis l'immense succès de ses tournées, le Fou noir se savait attendu au tournant. Il a donc pris la tangente, avec « Je ne suis pas sorcier », second chapitre de ses tribulations en Europe. Sans abandonner la formule magique d'une performance orale, brute, sans effets de mise en scène, Pie choisit de tresser des liens, ténus mais pas saugrenus, entre modernité occidentale et tradition africaine. A travers la trajectoire oblique d'un Africain qui nous prête son regard, le spectacle creuse à nouveau le thème de la mixité et croise les cultures pour mieux interroger notre société.

Dix ans déjà que cet écrivain, venu trouver en Belgique une terre d'asile politique et artistique, vit chez nous. Résultat : le psychologue et l'artiste ont pris le pas sur le réfugié, mais l'homme est toujours là.

Première surprise : l'image de l'Afrique chaleureuse, presque mythique, d'un Fou noir s'est muée en une vision plus mitigée d'enfants soldats, de veuves enterrées vives aux côtés de leur mari et d'esclavage. Et puis, il y a la perte de vitesse d'un homme qui faisait la course pour nous suivre et se fait aujourd'hui rattraper par ses enfants, plus européanisés que lui. Quand sa fille lui annonce qu'elle veut se marier avec un Blanc ou que son fils lui demande si Dieu existe, il doute et tente désespérément de renouer les mailles de ses origines africaines à son quotidien européen.

Entre ses remèdes contre le divorce, son antidote aux disputes conjugales, ses leçons de sexe-sans-stress et ses conseils face à la mort, Pie ose toutes les questions, comme une consultation ouverte où les contes, paraboles et souvenirs d'Afrique feraient office de préceptes psychologiques. On aurait pourtant aimé retrouver la virulence du Fou noir et, pourquoi pas, ses traditionnelles séances de questions - réponses, pour désengourdir cet opus, où le doute blanc semble s'être insinué.

« Je ne suis pas sorcier » est un spectacle composé avec les tripes pour le cœur des spectateurs et interprété à l'africaine. A l'humaine aussi, comme toujours avec Pie. Peut-être n'est-il pas sorcier après tout ? Il n'en reste pas moins ensorceleur.·

Le Soir - 13/1/2005 - Catherine Makereel

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