Hilarant et salutaire (Jean-Marie Wynants - Le Soir)

MEILLEUR SPECTACLE 2013 EN Belgique (PRIX DE LA CRITIQUE)
PRIX DU PUBLIC FESTIVAL OFF/AVIGNON, MEILLEUR SPECTACLE THÉÂTRE !

Une langue inimitable, une poésie sautillante, un humour ravageur, à la fois tendre et vipérine, nous vous proposons la nouvelle œuvre théâtrale d’Ascanio Celestini. Un spectacle tout simplement magistral qui raconte la relation entre la classe dominante et la classe dominée, où l’on rit aux éclats mais qui met aussi le doigt là où ça fait mal, sur les aberrations de nos sociétés modernes.


Créé dans le cadre du Festival de Liège le 19 janvier dernier, présenté au Théâtre National de Bruxelles jusqu’au 4 mai, « Discours à la nation » rend compte de l’état d’esprit dans lequel nos chers puissants nous gouvernent et s’adressent au peuple, car comme ils le disent : « Ce n’est pas vous qui m’avez choisi, c’est moi qui vous ai choisis ! » et cela fait froid dans le dos.

Ascanio Celestini, auteur, metteur en scène et acteur italien, est l’une des figures de proue, depuis une dizaine d’années, du « théâtre-récit » en Italie, dans la ligné de Dario Fo. La dramaturgie classique y cède le pas à l’art du conteur et le narrateur reprend le rôle de l’intellectuel, c’est à dire qu’il devient la mauvaise conscience de son temps.

Dans « Discours à la nation », le texte de Celestini oscille entre la brutalité des propos et la parodie des discours politiques, des discours des « chefs », des dominants à l’adresse du peuple, des ouvriers, des sous-classes, serviles au demeurant. C’est intelligent et drôle, subtil parfois mais derrière ces premières sensations, la dureté du discours et la réalité évoquée nous font réfléchir, autrement, à la condition des classes populaires face à l’arrogance des classes dominantes. Parfois cru, le texte peut être cinglant à l’endroit du peuple, de plus en plus médiocre dans son attitude face aux discours de la classe politique dans son ensemble, elle-même pas exempte de tous reproches. C’est peu de le dire !

« Le peuple est un enfant. Le peuple, ça l’intéresse pas cette chose qu’on appelle la Démocratie ». Le constat est terrible et vient confirmer une fois de plus, s’il le fallait, que l’apprentissage de la démocratie est un chemin plus long encore que celui de la dictature. Car au-delà d’une charge sans concession contre les classes dominantes, Celestini tente aussi de réveiller le citoyen qui sommeille en nous. A coup de paraboles laïques, de slogans incisifs, de métaphores filées, le texte dramatique s’emplit alors d’une parole poétique, prophétique qui fait de ces discours bien plus que de simples dissertations politiques, une véritable œuvre théâtrale.

Et c’est à cet instant que TOUT fait sens sur la scène. La domination des uns, le sort moribond des autres et la société en proie aux doutes, à la tentation du chaos.

Emmené par un David Murgia étincelant et très inspiré par le texte qu’il sait s’approprier avec finesse et facétie et par une très belle musique (composée et interprétée sur scène par Carmelo Prestigiacomo) qui souligne autant les tensions dramatiques que les moments les plus légers, c’est une œuvre théâtrale personnelle et politique très actuelle, qui n’épargne personne, que nous découvrons avec bonheur et envie.

Aller au théâtre et se faire secouer avec toute l’intelligence et l’humour d’un auteur tel que Ascanio Celestini, c’est revenir moins con et un peu plus concerné par la Démocratie et la citoyenneté à l’orée de possibles troubles populistes.

Philippe Maby - Inferno - 26/4/2013

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