Jacqueline Bir au Festival Bruxellons!

Accueillir une actrice comme Jacqueline Bir est pour nous bien sûr un énorme plaisir, mais c'est avant tout un honneur. C'est pour nous une référence, au sens noble du terme: une diection à suivre.

Après Danielle Darrieux (que dirigeait Christophe Lidon), « Oscar et la Dame Rose » connaîtra bientôt une autre interprète d’exception. Jacqueline Bir, figure emblématique du théâtre belge, portera ce texte magnifique sur les planches. La comédienne, qui fêtait en 2003 ses 50 ans de carrière, a toute la verve, l’espièglerie, la simplicité aussi d’une mamie Rose. Elle sera mise en scène par une autre grande dame : Daniela Bisconti, dont l’acuité, le charisme et la sensibilité devraient faire merveille dans cette création.
Un duo de femmes dont on attend avec impatience le fruit de l’échange et de la complicité.


Née à Oran (Algérie) en 1934 - A fait ses études au Conservatoire de Paris - Elle y a rencontré Claude Voltaire qui deviendra son mari - Ils s’installent à Bruxelles où ils sont engagés au Théâtre des Galeries - Fondent ensemble la Comédie Claude Volter - Elle n’a jamais quitté la scène et est en ce moment sur les planches à Paris avec Alain Leempoel dans "Conversations avec ma mère" - Une grande dame lucide, attachante et toujours en verve.

Receviez-vous de l’argent de proche?
Je n’ai jamais reçu d’argent de poche. Fille unique d’un couple modeste d’agriculteurs toujours inquiets pour leurs finances, je n’ai jamais eu l’opportunité de dépenser quoi que ce soit. J’ai par contre eu la grande chance d’être aidée par mes parents. Lorsque j’ai dit que je voulais faire du théâtre, ils m’ont répondu: alors, ce sera le Conservatoire, à Paris.

Lorsque vous avez gagné votre vie, y a-t-il une dépense que vous rêviez de faire?
Non, je vivais simplement. Mais j’adorais l’opéra et j’ai eu la chance de connaître un baryton qui m’y invitait régulièrement.

Avez-vous un talon d’Achille en matière de dépenses?
Quand j’ai un coup de cafard, je m’offre un petit plaisir. Je casse ma tirelire par défoulement. Je vais dans une salle de vente, j’achète un objet de déco, un vêtement… Rien qui soit hors de prix car il faut toujours prévoir un possible coup dur. Je ne laisse jamais mon compte descendre sous zéro. J’ai un besoin impérieux de voir régulièrement la mer et de me promener le long de l’eau. Ca représente un (petit) budget mais c’est un élément pondérateur et ressourçant qui équilibre ma santé.

Où faites-vous vos achats?
Principalement dans les petits commerces, si je le peux. Sinon, en grande surface. En tant que fille de cultivateurs, je ne crois pas au bio. Quand un agriculteur pulvérise son champ, celui d’à côté est contaminé. J’adore la bonne bouffe, mais je mange de façon raisonnable et équilibrée. Pour les gros achats, je ne me jette pas sur le premier article venu: je vise le plus adéquat et le moins cher.

Suivez-vous vos finances personnelles de près?
Oui et j’ai intérêt car personne ne s’occupe de moi. Grâce au ciel, une amie m’aide à remplir ma déclaration d’impôts. Pour nous acteurs, c’est particulièrement compliqué! J’ai toujours été prudente car je n’ai pas beaucoup d’argent. J’ai un toit, ce qui me rassérène pour le peu d’avenir qui me reste. L’immobilier est une monnaie d’échange: on peut le vendre même si on n’a pas fini de le payer…

Y a-t-il un objet que vous ne vendriez pour rien au monde?
Tous les objets que j’ai choisis car ils sont des repères. J’ai plein de gris-gris qui font référence à toute ma vie. Comme j’ai déjà été cambriolée deux fois, il ne reste en fait que du brol. De toute façon, un jour ou l’autre on va quand même tous partir avec les poches vides…

Vous travaillez toujours. Est-ce ainsi que vous aviez envisagé votre pension?
Il m’a toujours été difficile de penser à l’avenir. Je vis donc dans le présent, mais sans prendre trop de risques pour pouvoir faire face à l’imprévu. J’ai une pension dérisoire au regard de ma carrière. En fait, dans les rares périodes où je n’ai pas travaillé, je n’ai pas été au chômage: c’était une erreur! Je l’explique aujourd’hui à mes petits- enfants. Si j’ai décidé de continuer à travailler, c’est donc en partie pour compléter ma pension. Mais je n’ai fait que des choses que je prenais plaisir à faire! Quand je me suis lancée dans ce métier, je n’étais pas consciente de ses difficultés. Si j’avais su, j’aurais renoncé. Tout y est aléatoire. Et encore, j’estime être une privilégiée.

Y a-t-il des choses dont le prix vous semble avoir évolué de façon démesurée?
Dans les années 70, je vivais seule avec mes enfants. Je travaillais à l’année au Théâtre du Parc, je louais un appartement, et nous vivions bien! Aujourd’hui, je suis seule et je ne peux pas vivre aussi bien. En 45 ans, le coût de la vie a triplé. La ponction de l’État sur tout ce qui relève du quotidien est énorme.

Votre célébrité vous a-t-elle parfois facilité la vie?
Il s’agit de petits gestes ou cadeaux qui sont des preuves de gentillesse et de bienveillance. On m’invite souvent après un spectacle, on me fait des amabilités dans une boutique où on m’offre -10%…

Avez-vous accepté un travail uniquement parce qu’il était bien payé?
Oui! On ne fait pas toujours ce qu’on veut… J’ai joué certaines pièces pour "payer le steak" comme on dit. J’ai fait des interventions à la télé dont je me serais bien passée mais qui m’ont aidée à payer mes impôts.

Que contient votre portefeuille?
Je n’ai plus de portefeuille depuis qu’on me l’a volé! Juste un sac minabledans lequel je mets mon permis de conduire (un "collector"!), ma carte d’identitéfrançaise, ma carte de l’Union des artistes, celle de sécurité sociale, mes indispensables lunettes, et une carte de banque… quand même. Je suis une vieille dame, j’ai donctoujours le moins d’argent possible sur moi.

Muriel Michel - L'Echo - 9 octobre 2016

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