Geneviève m’a appelé un matin. J’étais en pleine préparation d’un nouveau spectacle, j’avais très peu temps. Elle m’a dit : « Manu, j’ai écrit un texte terriblement cruel, j’aimerais que tu le mettes en scène ». Je lui ai proposé de me l’envoyer pour que je le lise et qu’on en parle. Elle m’a répondu : « Non, viens à la maison, je vais te le lire. Tu viens quand tu veux, ça prendra une heure ». Et j’y suis allé. Geneviève m’a balancé son texte d’un trait, à toute vitesse, et j’ai ri, et j’ai trouvé ça très fort et culotté. Je suis sorti en lui disant que si nos agendas s’accordaient, j’accepterais avec plaisir de l’accompagner dans ce travail.

Ce qui m’intéresse dans La solitude du Mammouth, c’est la dimension tragique du texte. En effet, la protagoniste, suite à un effondrement de ses repères, de ses ambitions, de ses objectifs et de ses rêves, se retrouve face à l’insupportable absence de sens. La destruction de l’autre va devenir sa nouvelle ambition, la seule alternative possible pour ne pas sombrer dans le néant. Mais cette destruction de l’autre (tant aimé) dans ce qu’elle va impliquer pour elle- même se muera en destruction de ses propres valeurs et de sa propre sensibilité.

Le style de Geneviève franchit ici une nouvelle étape. Il garde la dimension onirique et poétique que nous lui connaissions dans ses textes précédents, mais avec un nouvel ancrage dans la réalité, dans le tragique quotidien. C’est très fort, littérairement riche et interpellant. Nous nous reconnaissons dans l’abîme de cette femme et nous nous interrogeons sur nos propres limites et nos éternels conflits entre notre raison et nos sentiments.

Emmanuel Dekoninck

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